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mercredi 20 mars 2013

Retour à la nature avec H.D. Thoreau


    «Le coût d'une chose est le montant de la vie requise en échange»

étang de Walden (Wikimédia)

Walden ou la vie dans les bois, de Henry David Thoreau, 1854. Un journal naturaliste de 350 pages.
Article très complet de Wikipédia: Walden ou la vie dans les bois

Il me fait de l’œil depuis longtemps, Thoreau, un nom majestueux, souvent lu au détour de critiques littéraires sur des livres US, bref, une sorte de légende qui entoure ce nom composé. Je me lance sans vraiment savoir ce que je vais trouver. C'est un eBook  téléchargé sur le site Feedbooks, fichier au format epub transféré sur ma liseuse.
Dans le premier chapitre, Thoreau explique sa philosophie de la frugalité. Il se compare à ceux qui héritent de fermes, et qui doivent travailler dur pour les garder
 «Pourquoi à peine ont-ils vu le jour, devraient-ils se mettre à creuser leur tombe (...) ils s'emploient à amasser des trésors que les vers et la rouille gâteront .»
Pour l'écrivain philosophe, ils mènent une vie d'insensé à vouloir des choses qui ne sont pas essentielles. Ils sont prisonniers d'une vision des choses que la société leur a inculqué car « L'opinion publique est un faible tyran comparé à notre propre opinion privée. »
Pour lui, le luxe est un obstacle à l'ascension de l’espèce humaine. Il recense ce qui est essentiel: le Vivre, le Couvert, le Vêtement et le Combustible. Se tenir chaud, retenir la chaleur vitale. Les informations véhiculées par les journaux ne sont que des commérages, distractions inaptes à décrire la réalité.
« Or le coût d'une chose est le montant de ce que j'appellerai la vie requise en échange.» Une phrase à méditer quand on pense à la manière dont sont fabriquées les barres chocolatées qu'on achète dans nos supermarchés.

Thoreau se permet de longs développements sur l'économie, puis il passe à de belles descriptions de la nature, le  réveil du printemps, les étangs gelés et les beautés du dégel, les cendres encore ardentes de l'été,  les animaux, chats-huant sages sorciers de minuit, le soliloque de l'écureuil rouge, le retour des pinsons et des gélinottes . L'écrivain a des talents de menuisier, de bûcheron, et il construit lui-même sa maison. Puis il publie dans le corps de son texte le tableau de ce qu'elle lui a coûté. Son plus grand talent est de se contenter de peu.

 Ce qui l'entoure devient le monde entier, les Bruits, la Solitude, son Champs de haricots, le Village, les Étangs ..Quand il rencontre un tourbier qui vit difficilement, il lui vante son mode de vie frugal, sans café, ni thé, ni viande. Il préfère se passer de tout et élève cette ascèse à une forme de philosophie monacale et têtue. L'homme pousse l'austérité jusqu'à son extrémité plutôt que de subir la loi de la société.

Ce n'est pas une lecture facile, c'est le genre de classique où il faut parfois accepter de s'ennuyer, s'accrocher en vrai bon lecteur, parce que c'est ton socle, ce qui te fonde, le réservoir de mot-images qui reste en soi, comme un sédiment mémoriel. Et on est récompensé par des bonheurs d'écriture. Au détour d'une page, on tombe sur la description d'une chouette qu'il épie dans un paysage de neige, ou de l'écureuil rouge qui vient se nourrir à sa fenêtre :
 «...devant ma fenêtre, d'où il me regardait dans les yeux, et où il restait des heures, se pourvoyant d'un nouvel épi de temps à autre, qu'il grignotait d'abord avec voracité, et dont il jetait çà et là les raffes à demi dépouillées; jusqu'au moment où, devenu encore plus difficile, il jouait avec son manger, se contentant de goûter à l'intérieur du grain, et où l'épi, tenu d'une seule patte en équilibre sur le morceau de bois, échappait à sa prise insouciante pour tomber sur le sol, où il le lorgnait avec une expression comique d'incertitude, comme s'il lui soupçonnait de la vie, l'air de ne savoir s'il irait le reprendre, ou en chercher un autre, ou partirait; tantôt pensant au maïs, tantôt prêtant l'oreille à ce qu'apportait le vent. C'est ainsi que le petit impudent personnage gaspillait maint épi dans un après-midi; jusqu'à ce que pour finir, s'en saisissant d'un plus long et plus dodu, beaucoup plus gros que lui, et le balançant avec adresse, il prît la route des bois....»
Cette lecture d'un homme qui se contente de peu et qui prend ce que la nature lui donne, qu'il s'agisse du bois pour se chauffer ou de ce qu'elle apporte à ses cinq sens reste une leçon de vie qui fouette la raison de l'homme du XXIe siècle. Je ne vais pas sortir le couplet sur la société de consommation, Thoreau narrateur est un anachorète qui vit tellement loin de ça que ça n'aurait pas de sens. Mais quand on regarde la date, 1854, et ce que les USA sont devenus, ça laisse pensif. On se demande comment est reçue/étudié cette oeuvre aujourd'hui.
Ce qui m'en reste, les descriptions très concrètes de la nature, le passage des saisons, un vent de fraîcheur dans le cerveau.

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