Ce roman de 1946 est la chronique de la famille Fargo du Nebraska. Je ne sais pas si les frères Coen l’ont lu mais l’ambiance et les personnages, l’humour dans un monde dur, a pu les inspirer.
Edie Fargo et son garçonnet Robert arrivent à Verdon par le train . Edie n’a plus de nouvelles de son mari et elle est contrainte de rentrer dans sa famille. Elle devra trouver un travail chez des immigrés allemands qui ont leur propres écoles et leurs exploitations dans la région.
Chapitre après chapitre, nous faisons connaissance avec chacun des membres de la famille. Lincoln Fargo est le patriarche, un dur revenu de tout qui a roulé sa bosse avant de venir s’échouer dans le Nebraska. Il s’exprime encore avec un franc parler choquant, semble se moquer de tout et considère la vie comme un cadeau qu’on vous reprend lentement. Il ne cache pas son mépris pour son plus jeune fils Grant, une sorte de dandy qui boit plus que de raison et couche en secret avec sa cousine, la belle Bella, fille unique du banquier de la ville, qui rêve de sortir de ce coin pourri.
L’autre fils de Lincoln, Sherman, un fermier qui trime dur, se fait rouler par un représentant qui lui vend des machines agricoles. Il est marié à Joséphine, hydropisique, père d’une famille nombreuse, dont les terribles Gus et Ted, qu’on verra grandir et s’en aller loin de leur coin de cambrousse. Mais que peut-il arriver de bon à deux gars comme eux, incapable de rentrer dans le moule ?
Tout une galerie de personnages se déploie comme une frise. Les scènes s’enchaînent en nous les présentant, avec leur naïveté et leur barbarie ( des garnements fouettés jusqu’au handicap par un homme qui ne sait pas encore qu’il est malade) le burlesque (des gamins qui remplacent le lait par de l’eau, des amorces dans un cendrier). La farce est toujours diluée de cruauté (un gamin qui joue un « tour pendable » c’est le moins qu’on puisse dire), l’humour est teinté de corruption, on regarde vivre ces personnages aux lâchetés très humaines pour lesquelles Thompson a une grande tendresse. Le drame couve sans cesse et on ne sait jamais quand il va éclater...
On fait une recherche sur le mot « siphyllis », maladie qui affecte la personnalité d’un des personnages.
On voit un monde qui change: un personnage s’étonne d’un magasin moderne où on se sert tout seul et on paie comptant. Un autre ne trouve pas vraiment sain cette manie moderne de construire des wc à l’intérieur des maisons. Un troisième ne comprend pas que la salle de bain soit dans sa chambre d’hôtel et s’attend à devoir la partager.
Un immigré allemand plein de sagesse parle de son plan de rotation des cultures qui s’étale sur 160 ans au représentant de la compagnie des machines agricoles:
Un immigré allemand plein de sagesse parle de son plan de rotation des cultures qui s’étale sur 160 ans au représentant de la compagnie des machines agricoles:
« Deutsch secoua la tête et détourna les yeux, semblant se concentrer sur un vol de corbeaux qui planaient au-dessus d’une meule lointaine. Il pensait que les villes, encore plus que les campagnes, avaient sans doute besoin de voir loin. Elles devraient regarder vers les prochaines quarante, quatre-vingts, cent soixante années, et y voir soit une population ressemblant à une robuste et saine plaine – ou à un désert aride, sous-alimenté, affaibli et épuisé. »
Un député se sort d’une situation complexe en encourageant la construction de routes :
« Il expliqua aux autres : Un camion, c’est à peu près comme une automobile, sauf que ça peut traîner plus de charge et que ça a un plateau dessus – n’importe quel genre de plateau. J’en ai vu des tas à Grand Island et à Omaha, là où ils ont les routes qu’il faut pour les faire rouler. »
Un grand roman à la simplicité trompeuse avec des scènes d’anthologie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire