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mardi 12 février 2019

Fernand Knopff au Petit Palais


Petit Palais l’Expo Fernand Khnopff


« On n’a que soi », cette devise, Fernand Khnopff l’avait gravé sur un petit autel dédié à Hypnos dans la maison qu’il s’était fait construire . Nous voyons des plans. Elle a été détruite en 1930. 
 Il vivait dans cette maison-atelier en artiste solitaire. Lui rendre visite était apparemment une expérience des sens, entre la musique de Shumann et des diffuseurs de parfums. 
L’exposition nous propose des stèles audio-olfactives qui recréent son univers. 



Puis le visiteur s’arrête devant les tableaux. Des paysages lisses et immobiles, qu’on ramène à soi. Ce pont dans une campagne verte, immobile, il a un air de familiarité avec un pont qu’on connait. Cet alignement d’arbres sur un fond obscur rend la forêt mystérieuse et fantastique. Et ce garde-chasse de profil dont la silhouette est parallèle au tronc d’arbre derrière lui, il est immobile pour l’éternité, confondu à la nature. 




Le visage emblématique de l’oeuvre de Khnopff, c’est celui de Marguerite, sa soeur. Androgyne, longiligne, elle sera son modèle préféré. On la retrouvera dans Des caresses, ou l'Art, ou le Sphinx (1896), son oeuvre la plus connue présente ici. Sur d’autres tableaux, c’est une figure féminine strictement habillée d’une longue robe blanche, gantée, empreinte de mystère et d’intériorité. 
Sur le pastel Memories, trop fragile pour être déplacé, ce sont 8 photos de sa soeur munie d’une raquette de tennis, qui ont servi à la composition. Il prenait beaucoup de photos, bien que ne sentant pas un spécialiste. Le modèle prenait plusieurs poses, avec des gestuelles particulières. Ensuite le peintre pouvait se concentrer sur le drapé du costume et les accessoires du décor. 
C’est aussi à partir d’une photo qu’il a peint le portrait de Marguerite Landuyt, la jeune fille qui regarde sur le coté. 
D’autres portraits représentent des enfants aux mines graves comme des adultes, aux regards fixes, scrutateurs. 



Autre méthode originale, moderne, de Knopff : faire reproduire en photo ses oeuvres
par Alexandre (le photographe bruxellois Albert-Edouard Drains). Ensuite, il pouvait rehausser au pastel ou à la craie ses oeuvres, se les réappropriant et les mettant en vente. 
Une salon adjacent peint en bleu reproduit une sorte de cabinet symboliste. Les visages de Mallarmé, le frère cadet de Knopff, Georges Rodenback sont affichés. Une bibliothèque est reconstituée. Un cercle jaune sur le sol et neuf tabourets bleu. Des photos de Bruges en noir-et-blanc des frères Neurdain, une ville qui exerce une grande fascination chez Khnopff. Les photos illustreront le roman Bruges-la-mortes de son ami Georges Rodenbach. Ce choix novateur en fait un des premiers « récits-photos » qui préfigure Nadja d’André Breton. 

On prend plaisir à déambuler au-milieu de ces toiles énigmatiques dotée d’un calme hypnotique. On essaie de comprendre son influence sur le surréalisme, sur Klimt et Magritte. On s’assied pour rêver...Un jour, on ira à Bruges, ce sera l’automne, il fera humide et du brouillard s’élèvera des canaux. Alors, on repensera à Fernand Knopff et à sa femme sphinge...




lundi 6 août 2018

KERGUELEN : l’obsession du bout du monde




Marcher à Kerguelen

Gallimard (08/02/2018)



François Garde, écrivain et haut fonctionnaire français, a administré (et un peu visité) l’archipel des Kerguelen. Cette île le hante. Il monte une expédition.  

Nommer le grandiose
Pour s’y rendre, 4 rotations par an du Marion Dufresne qui part de La Réunion à 3360 km, 10 jours de voyage. Il choisit les membres de son équipe et ils se lancent en novembre 2015. Avec lui, Mika, un spécialiste des expéditions au Groenland, Fred, le médecin aguerri aux secours en haute montagne et Bertrand, le  capitaine de marine qui a lutté contre la pêche illégale autour de l'archipel.

Tous les soirs, sous la tente, il tient son journal. Il essaie de nous faire ressentir le coté grandiose des paysages, à la fois pauvres en couleurs - absence de végétation- mais riches en images de murailles, de rocs, de monolithes, vallées, estuaires...
Tous ces endroits ont des noms  « Baptiser, c'est arracher au néant. » 
On peut trouver en ligne les photos de Mika (Michael Charavin) et Bertrand (Lesord). 

La horde du contre-vent 
 « Kerguelen est voué au vent. Son souffle ne semble jamais devoir cesser, ni cesser de nous surprendre », il hurle la nuit et menace d'emporter leur tente arrimée au sol par d'énormes pierres. Il est tellement puissant qu'il détourne les cascades vers le ciel... 

La pluie incessante
Et puis il y a des journées de pluie, des traversées à gué de torrents tumultueux ou de lacs de montagne en repérant le meilleur endroit, retirer à chaque fois les chaussures de montagne et le pantalon, franchir des chutes d'eau, des montées d'éboulis, des plages de graviers noirs où l’on côtoie des manchots royaux ou des éléphants de mer qui n'ont pas peur de l'homme.

Doute, danger et bonheur
Ils éprouvent la fatigue, le doute, les journées de marche harassantes, à la carte et à la boussole, dans un monde sans repères, sans balisage ni sentiers tracés. La crasse, les vêtements sales, l’absence de miroir et d’électricité font partie du jeu.
Ils ont laissé leur montre et leur portable sur le navire, les nuits rythment le temps. L'auteur parle aussi du bonheur, de l’euphorie d'être dans ce monde sauvage où ils se sont abandonnés...Comme cette source d’eau chaude: 

« Aucun bassin, aucun spa de palace ne m’a plongé dans des délices plus exaltés que ce trou dans un ruisseau d’eau tiède, courant dans une prairie sans arbres, au travers d’une vallée battue par les vents et les brumes.»

Des animaux amenés par l'homme
Ils entrent dans la zone qui subit la présence des espèces introduites par l'homme, le lapin qui mange le chou, le chat devenu haret, les troupeaux de rennes - extraordinaire vision de deux rennes morts aux bois entremêlés

Ils franchissent un col impossible, ils marchent en aveugle, dans la neige tourbillonnante. Un lac s'est déplacé, les cartes ne sont plus à jour. 

Les cabanes rouges
Elles sont disséminées sur l’île pour permettre aux hivernants de se ravitailler. Ce sont des haltes bienvenues, des petits paradis pour les marcheurs habitués à la tente, énumération des boîtes de conserve et autres friandises qui les change des repas lyophilisés répétitifs. Sur des cahiers, on note son passage par un petit mot qui sera lu par les rares voyageurs. Souvent des scientifiques en mission. 

Marcheurs solidaires
Ses compagnons sont comme ses frères, on veille sur eux, on fait attention à ne pas rompre le fil, il pense à Abel, Cain, la réponse de Dieu. La gelure de Fred qui se réveille, la cheville de l’auteur... La question des vivres, remplir et alourdir les sacs, préparer le retour... 

Le vrai bout du monde
Ils parviennent à la pointe sud-ouest de l’archipel, leur but ultime, la plage de la Possession dans la péninsule Rallier du Baty.  Les élephants de mer barrissent puis les ignore, se prélassant dans leur baignoire. 
Principaux sites des ILES KERGUELEN (wikipédia)

« Il n’y a plus rien entre moi et l’Antarctique. Je suis arrivé au bout». 

Mais il faut revenir. 

« Cette extrémité que je poursuis depuis dix-sept jours, à laquelle je rêve depuis dix ans, est désormais derrière nous.»

La dernière partie du livre conte le retour vers la bas de Port aux Français. Il ne faut pas rater le Marion Dufresne. 

Un beau livre qui essaie de faire comprendre au lecteur ce que ça fait d’être dans un bout du monde, un endroit où très peu de gens sont allés, accessible seulement par bâteau.