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samedi 23 mars 2019

Le meurtre du Commandeur, livre 2


Le Meurtre du Commandeur, livre 2, la métaphore se déplace, de Haruki Murakami. Traduit du japonais par Hélène Morita, avec la collaboration de Tomoko Oono. 


Nous reprenons l’histoire là où nous l’avons laissée: un narrateur, peintre de métier, s’est mis en retrait de la société après la séparation d’avec sa femme. Il habite une maison sur une colline qui a appartenu à un grand peintre mourant. Il rencontre régulièrement son « voisin de colline », le mystérieux Menshiki, un quinquagénaire à la belle chevelure blanche, incarnation de la maîtrise de soi. Autour d’eux, des évènements surnaturels se produisent, une clochette qui sonne dans la nuit, un personnage qui sort d’une toile...
Vient le deuxième dimanche de pose de Marie, accompagnée dans la petite Prius par Shoko, sa tante qui l’élève...

Les journées du narrateur sont toujours chroniquées dans leur banalité, préparation des repas, heures de sommeil et de repos, temps consacré à la peinture et aux progrès de son monde intérieur ( il donne envie de se mettre à dessiner), rendez-vous avec ses voisins ou son ami Masahiko où il peut prendre des nouvelles de son père le vieux peintre. Il y a quelque chose de curieusement apaisant dans la lecture. Cela tient au ton tranquille et descriptif du narrateur qui semble accorder la même minutie à la dégustation d’une daurade qu’à l’émotion suscitée par l’apparition d’un fantôme. En refusant les émotions faciles du thriller, l’écrivain nous imprègne de ses images comme un peintre qui donne la dernière touche de couleur. 

L’intrigue avance par petites touches, une rencontre entre Menshiki et les deux femmes, une liaison cachée qui se  noue. Et soudain un personnage disparaît, le roman peut accélérer dans son final. Il bascule dans le fantastique des mondes parallèles et du temps aboli. 

C’est un roman qui relie les choses entre elles et les entrecroise peu à peu pour que la lumière surgisse. Des évènements du passé font sens dans le présent ( une femme tuée par un essaim d’abeilles, une petite fille qui se glisse dans un trou à l’intérieur d’une grotte, un japonais qui participe à un complot contre Hitler...). Les personnages sont des êtres qui cherchent des cachettes secrètes qui sont à la fois refuges et cachots. Qui se laissent enfermer pour mieux ressurgir à la lumière. Les couloirs mystérieux deviennent des goulots d’étranglement. Le fantastique de Murakami fait émerger les peurs et les envies mythologiques de l’enfance, tunnels qui communiquent mystérieusement entre eux, passages secrets et raccourcis dans les forêts, belle maison moderne et chambre de Barbe-Bleu. Quand au meurtre du titre, on comprend à la toute fin. 

C’est un roman qu’on referme avec un petit sourire, le regard vague, flottant au loin vers des collines imaginaires, des villas blanches et vaporeuses, des forêts au sanctuaire de pierre. Attention, la petite clochette va tinter, mais était-ce dans la réalité ou dans le rêve ?

mardi 12 février 2019

Fernand Knopff au Petit Palais


Petit Palais l’Expo Fernand Khnopff


« On n’a que soi », cette devise, Fernand Khnopff l’avait gravé sur un petit autel dédié à Hypnos dans la maison qu’il s’était fait construire . Nous voyons des plans. Elle a été détruite en 1930. 
 Il vivait dans cette maison-atelier en artiste solitaire. Lui rendre visite était apparemment une expérience des sens, entre la musique de Shumann et des diffuseurs de parfums. 
L’exposition nous propose des stèles audio-olfactives qui recréent son univers. 



Puis le visiteur s’arrête devant les tableaux. Des paysages lisses et immobiles, qu’on ramène à soi. Ce pont dans une campagne verte, immobile, il a un air de familiarité avec un pont qu’on connait. Cet alignement d’arbres sur un fond obscur rend la forêt mystérieuse et fantastique. Et ce garde-chasse de profil dont la silhouette est parallèle au tronc d’arbre derrière lui, il est immobile pour l’éternité, confondu à la nature. 




Le visage emblématique de l’oeuvre de Khnopff, c’est celui de Marguerite, sa soeur. Androgyne, longiligne, elle sera son modèle préféré. On la retrouvera dans Des caresses, ou l'Art, ou le Sphinx (1896), son oeuvre la plus connue présente ici. Sur d’autres tableaux, c’est une figure féminine strictement habillée d’une longue robe blanche, gantée, empreinte de mystère et d’intériorité. 
Sur le pastel Memories, trop fragile pour être déplacé, ce sont 8 photos de sa soeur munie d’une raquette de tennis, qui ont servi à la composition. Il prenait beaucoup de photos, bien que ne sentant pas un spécialiste. Le modèle prenait plusieurs poses, avec des gestuelles particulières. Ensuite le peintre pouvait se concentrer sur le drapé du costume et les accessoires du décor. 
C’est aussi à partir d’une photo qu’il a peint le portrait de Marguerite Landuyt, la jeune fille qui regarde sur le coté. 
D’autres portraits représentent des enfants aux mines graves comme des adultes, aux regards fixes, scrutateurs. 



Autre méthode originale, moderne, de Knopff : faire reproduire en photo ses oeuvres
par Alexandre (le photographe bruxellois Albert-Edouard Drains). Ensuite, il pouvait rehausser au pastel ou à la craie ses oeuvres, se les réappropriant et les mettant en vente. 
Une salon adjacent peint en bleu reproduit une sorte de cabinet symboliste. Les visages de Mallarmé, le frère cadet de Knopff, Georges Rodenback sont affichés. Une bibliothèque est reconstituée. Un cercle jaune sur le sol et neuf tabourets bleu. Des photos de Bruges en noir-et-blanc des frères Neurdain, une ville qui exerce une grande fascination chez Khnopff. Les photos illustreront le roman Bruges-la-mortes de son ami Georges Rodenbach. Ce choix novateur en fait un des premiers « récits-photos » qui préfigure Nadja d’André Breton. 

On prend plaisir à déambuler au-milieu de ces toiles énigmatiques dotée d’un calme hypnotique. On essaie de comprendre son influence sur le surréalisme, sur Klimt et Magritte. On s’assied pour rêver...Un jour, on ira à Bruges, ce sera l’automne, il fera humide et du brouillard s’élèvera des canaux. Alors, on repensera à Fernand Knopff et à sa femme sphinge...