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dimanche 29 juin 2014

Suppléments aux billets sur le travail



Voici 2 reportages  radio, assez courts tous les deux. Un de 25 minutes, l'autre de 17 minutes. Ils complètent d'une certaine manière les billets concernant la place du travail dans la société. Deux portraits qui se croisent.
Deux personnages qui parlent de leur vie, de leur "métier". Le cynisme de l'une vous révoltera, le culot de l'autre vous énervera. Ils parlent en creux de notre société.
Pour la première, le podcast des Pieds sur terre date de 2004. On se demande: qu'est-elle devenue ? Nonne, patronne, encore plus riche, encore plus cynique. Quelle est la suite ?
Bien sûr, dans cette captation audio, il faut faire preuve d'esprit critique. Les pieds sur terre a une ligne éditoriale précise, ils tiennent un "personnage" et fondent sur lui comme un rapace sur sa proie. Et il y a un montage. Mais ce qu'elle dit, elle le dit vraiment, elle le pense, elle est sincère, ce n'est pas une actrice à qui on a soufflé son texte. Le réel dépasse la fiction. C'est intéressant de lire les commentaires qui suivent l'émission. Retour sur ...les grands patrons et les indiens Kogis. 
A Grenoble, lors d’une réunion du Medef, de grands patrons d’entreprise rencontrent des Indiens Kogis et tentent de s’inspirer de leur mode de vie pour « repositionner leur stratégies marketing ».1ère diffusion le : 22/11/2004 Reportage : Elodie Maillot Réalisation : Marie-Laure Ciboulet (et Vincent Abouchar)

Quant au deuxième, je suis partagé entre l'énervement et estomaqué par son absence de culpabilité. On aimerait qu'il utilise son intelligence pour des choses plus nobles (exemple quand il dit qu'il a aidé un vieil homme) Lien: PETIT POISSON; là aussi les commentaires sont intéressants. Certains sont dans l'indignation premier degré, d'autres crient à la mythomanie, à la fiction. Ce qui est frappant dans les deux cas, c'est qu'on peut se demander si ce ne sont pas des comédiens.


Vivre heureux grâce à la fraude (17’52’’)« On est quelques-uns à penser comme ça »Nicolas Ruffault Notre ami a choisi de quitter la ville. Pour survivre, il pratique la pêche au brochet et aux subventions. Il invente des associations dont il est le seul salarié, cumule abusivement les allocations-chômage et les aides sociales, et profite des failles du système. Le voici, cet assisté parasite et fraudeur qui ruine la France !


Enregistrements : janvier 12
Mise en ondes & mix : Arnaud Forest
Réalisation : Nicolas Ruffault

vendredi 27 juin 2014

Pourquoi travaillons-nous ?


Philosophie
Dominique Méda  Le travail, une valeur en voie de disparition ?
385 pages, 8,20 euros(Champ-Flammarion)

ÉNERGIES UTOPIQUES
 J'ai l'impression d'avoir fait un grand voyage dans la stratosphère des idées où des têtes de penseurs au-milieu des nuages devisent sur le devenir de l'homme en société. La philosophe Dominique Méda était étonnée de la place que le travail tient dans nos vies et nos systèmes de production qui épuisent la nature. Au point que « nous ayons inventé de toutes pièces et conservé une catégorie spécifique, celle de chômage, qui ne signifie rien d'autre sinon que le travail est la norme et l'ordre de nos sociétés...» (p.317).

« Il est chargé de toutes les énergies utopiques qui se sont fixées sur lui au long des 2 siècles passés ». Grâce à ce livre, on comprend à quel point les idées font agir les hommes. Et elles ont d'autant plus de force quand elles prennent racine dans les changements de civilisation.

Dans sa préface de 2010, Dominique Méda revient sur le "scandale" provoqué par son livre lors de sa parution en 1995, les malentendus et les désaccords. Elle a rajouté un point d'interrogation à son titre. Si on voulait mieux coller au contenu du livre, on lui donnerait le titre philosophique de « Généalogie de la valeur travail», mais c'est beaucoup moins vendeur... Et un peu de provoc, ça ne fait pas de mal...

L'auteur commence par souligner un paradoxe : la multiplication des discours qui valorisent l'utilité sociale du travail au-moment où celui-ci se raréfie. Ces idées sont réactualisées au-moment où la crise frappe de plein fouet : le travail est nécessaire à l'homme pour vivre en société, pour développer des compétences sociales, se sentir utile à la société.

Ces discours représentent-ils la réalité ?
« J'appelle ces pensées "légitimation des sociétés fondées sur le travail": leur caractéristique est d'apparaître à un moment particulier de notre histoire, celui où le développement du chômage menace le fondement même de nos sociétés et joue comme révélateur de la fragilité de celui-ci, et où une partie de la société fait effort pour mettre au jour ce qui était resté jusque-là largement impensé et inexprimé, c'est-à-dire le rôle décisif du travail. »
La philosophe veut résoudre cette énigme: comment en sommes-nous venus à considérer le travail et la production comme le centre de notre vie individuelle et sociale ? Elle invite le lecteur à une analyse des discours et des représentations...

VOYAGES DANS LE TEMPS
Elle remonte donc dans le temps. Avec nos critères, nous imaginons que, pour le primitif, la lutte pour la survie occupe tout son temps. Il n'en serait rien. Ses besoins naturels sont limités, il produit assez pour lui-même, ne ressentant pas le besoin de produire plus pour échanger.

Puis elle étudie la civilisation grecque, là où la démocratie s'est inventée. Ce sont des idées très différentes des nôtres: la pensée est valorisée, elle-seule peut nous soustraire à l'action du temps. L'activité éthique et politique est mise tout en haut car elle est au service de la cité, et l'homme doit être libre d'exercer au mieux toutes ses facultés. Tout ce qui est fait par nécessité est méprisé, le travail est une tâche dégradante, nullement valorisée. On bénéficie d'une main d'oeuvre servile et gratuite: celle des esclaves.
« La sphère de la consommation et des besoins matériels a une place limitée parce que, pour les Grecs, les besoins sont limités: non pas qu'ils méprisent les besoins et leur légitime satisfaction, bien au contraire; mais on trouve chez eux, profondément ancrée, l'idée que le bonheur ne vient pas de la satisfaction d'une série illimitée de besoins. »
Nous savons que les Grecs ont eu à leur portée un certain nombre d'inventions, qu'ils auraient pu développer mais auxquelles ils n'ont pas consacré d'efforts.

Puis arrive le Christianisme. Saint Augustin demande aux moines de se mettre au travail pour assurer leur subsistance. Il développe toute une argumentation: on se procure ce dont on a besoin pour vivre. Mais surtout, on interprète avec le Nouveau Testament l'action de Dieu: Dieu travaille quand il crée le monde. Le cadre est donc prêt pour une valorisation du travail. Le spectre s'élargit: il y a de moins en moins de métiers illicites, mal vus, liés aux péchés capitaux. Les classes qui se développent veulent obtenir une reconnaissance sociale. Certaines inventions peuvent être développées parce que la représentation du travail s'est modifiée. (Marc Bloch et le moulin à eau)

Sur la frise du temps qu'elle nous dessine dans ce chapitre, on voit les idées évoluer de manière radicale, les lignes bougent sous l'effet des croyances, des religions. L'auteur développe sa pensée en s'appuyant sur l'histoire, on la suit, fasciné, par ces idées qui évoluent au cours des siècles et qui ont une influence sur la vie concrète des hommes. On se demande quelle est la prochaine étape....

LE TRAVAIL, CIMENT DES HOMMES EN SOCIÉTÉ
Nous en arrivons à l'invention du travail proprement dite. Elle se penche sur l'oeuvre d'Adam Smith,  Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations. Nous sommes à un moment où la richesse devient désirable. Le travail réclame un effort, il représente une quantité d'énergie en échange de la richesse.. Mais ce qui intéresse Smith et Malthus, c'est l'accroissement des richesses d'une nation, ce qui implique une conception purement économique et déjà réductrice de cette richesse.

Nous voyons là une révolution dans les esprits: la richesse apparaît comme une fin. Il y a un basculement qu'on cherche à expliquer par l'essor de la révolution industrielle, les interprétations de la Bible par Calvin et Luther...Dominique Méda aime bien l'explication du grand changement de l'époque qui met plus d'un siècle à s'imposer. Il faut imaginer qu'on sort d'un monde où on pensait que la terre et les hommes étaient le centre du monde et où on risquait sa vie à mettre ce dogme en doute. L'idée que la terre tourne autour du soleil n'est pas intuitive et mettra plus d'un siècle à s'imposer. On connaît les grands noms: Copernic, Galilée, et, enfin, avec Newton « La vérité éclate avec assez de force pour que nul ne puisse plus s'y opposer...»

La nature devient mesurable, on peut lui appliquer les lois de la physique. C'est la fin du droit divin. Mais alors, il faut trouver un ciment dans la société pour assurer l'ordre social. Car l'individu, sujet pensant, n'a plus peur des forces occultes invisibles, il se sait libre, certain de son existence, porteur de droits et de devoirs particuliers.

C'est donc l'économie qui va donner son unité à la société. Le désir d'abondance, l'intérêt individuel qui place l'échange au centre des relations humaines garantit l'ordre social. L'échange est le producteur du lien social, celui qui nous pousse à respecter l'autre pour qu'il accepte de coopérer avec nous. Elle cite Adam Smith:
« Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. »
Voici donc le travail installé au centre de la vie sociale.

LE TRAVAIL VU COMME UTOPIE
Dominique Méda montre ensuite comment, au XIXè siècle, le travail est investi d'une charge utopique forte. Elle examine la philosophie de Hegel, puis celle de Marx. L'homme ne doit cesser d'humaniser le monde pour contrer l'animalité en lui. Le travail me révèle à moi-même ma sociabilité et transforme le monde. Mais Marx, voyant les conditions de vie des ouvriers, constate que le travail réel est aliéné. Pour le rapprocher d'un idéal, car pour Marx, le travail est l'essence de l'homme en société, il faut combattre la propriété privée et réduire le temps de travail.
En France, pour Saint Simon, le travail incarne une idée de bien-être et d'abondance. Dans la société d'alors, où les découvertes techniques décuplent les capacités, les penseurs et politiques sont grisés par ce pouvoir de l'homme sur lui-même. Il y a un discours de valorisation du travail, décrit comme une force vitale qui transforme l'aspect physique des choses.
Mais il y a un paradoxe : ces discours de valorisation du travail interviennent au-moment où ses conditions sont les pires.
« La situation extrêmement préoccupante des ouvriers, officiellement reconnue dans les milieux politiques et objet de nombreux ouvrages, n'a pas remis en question la représentation désormais dominante que la société se fait du travail. » p.126
Les années qui suivent voient les débats entre socialistes et libéraux. Le droit du travail doit se développer pour éviter le trop grand pouvoir de l'employeur. Proudhon réclame même pour le travailleur un droit naturel de propriété sur la chose qu'il a produite. Mais les deux camps sont d'accord: le travail reste rêvé comme un épanouissement, un moyen d’auto-réalisation de l'individu. La contradiction vient du fait que cette idée est portée par une classe dominante, privilégiée, alors que les conditions réelles du travail sont très dures.

Dominique Méda écrit que la social-démocratie va s'imposer sans résoudre ces contradictions. La pensée sociale démocrate est pragmatique: on ne sera jamais dans un travail libéré, il s'agit simplement de rendre supportable sa réalité en développant un Etat-providence. On fait tout pour améliorer les conditions de travail, le travailleur voit son pouvoir de consommateur augmenter, ce qui fait que le travail n'est pas voulu pour lui-même, mais pour acquérir autre chose. Il est un accès aux richesses et à une place dans la vie sociale.
« L'État-providence se donne pour impératif de maintenir absolument un taux de croissance, quel qu'il soit, pourvu qu'il soit positif, et de distribuer des compensations, de manière à toujours assurer un contrepoids au rapport salarial. »
Dans le chapitre suivant, Utopie du travail libéré, elle note que les théoriciens qui exaltent le travail ont un métier intellectuel. L'aiguillon de la faim doit pousser les gens vers l'emploi. On domestique les paysans pour les faire travailler à heures fixes et les rendre sensibles à l'appât du gain.

LA ROUE FOLLE DE L'ÉCONOMIE
Dans le chapitre Critique de l'économie, elle plonge aux racines de l'économie, son développement et la façon dont elle s'est imposée au point que "les indicateurs économiques ont été érigés en indicateurs politiques". Elle se veut la science la plus rationnelle, celle qui met en évidence des lois inflexibles. Mais  elle remarque que l'économie ne s'est jamais remise en cause au cours de son histoire.
« L'économie trouve des principes d'ordre: pour chaque individu, le principe de maximisation de son utilité, qui lui permet de choisir des quantités de biens en fonction de leur prix; pour l'ensemble des individus, le principe de la maximisation du bien-être collectif. Tout ceci s'opérant sur la scène désormais nécessaire à l'économie, le marché. »
Pour l'économie, il est indispensable de faire tenir ensemble des individus que rien ne dispose à coopérer pour augmenter les échanges et donc la production. Dominique Méda enchaîne avec de belles pages convaincantes sur les "désutilités". Le social par-exemple est considéré comme un coût par l'économie qui se refuse à considérer sa valeur ajoutée dans son calcul. Elle plaide pour un "inventaire de la richesse sociale".
«...les services non marchands -par exemple, toutes les fonctions collectives exercées par l'État, telle la santé, l'éducation...- ne sont pris en compte que sous la forme du coût qu'ils ont représenté, et non de la valeur ajoutée qu'ils sont censés avoir dégagée: on estime que l'exercice d'une fonction collective ne permet donc pas un enrichissement, un surcroît de richesse. »
« Comment parviendrons-nous à définir ce qui, conçu comme un enrichissement du point de vue "privé", constitue en réalité un appauvrissement pour l'ensemble de la société, si nous ne disposons pas d'un inventaire de la richesse sociale ? Autrement dit, si nous n'avons inscrit nulle part que l'air pur, la beauté, un haut niveau d'éducation, une harmonieuse répartition des individus sur le territoire, la paix, la cohésion sociale, la qualité des relations sociales sont des richesses, nous ne pourrons jamais mettre en évidence que notre richesse sociale peut diminuer alors que nos indicateurs mettent en évidence son augmentation. (...)  
A cette condition seulement, nous pourrions considérer comme faisant partie intégrante de la richesse sociale ce qui renforce la cohésion ou le lien social, ce qui est un bien pour tous, comme l'absence de pollution ou de violence, l'existence de lieux où se rencontrer, se promener, réfléchir, mais également toutes les qualités individuelles: l'augmentation du niveau d'éducation de chacun, l'amélioration de sa santé, le bon exercice de toutes ses facultés, l'amélioration de ses qualités morales et civiques. Ainsi seulement, ce qui est considéré aujourd'hui par les centres individuels de production, les entreprises, comme des désutilités privées- c'est à dire comme des coûts (la formation par-exemple qui apparaît toujours comme une dépense)- pourrait être tenu pour un bien social et encouragé à ce titre. »p.230
Elle fait la description d'une société où la politique court après l'économie, où l'État social se charge de panser les éventuelles plaies ouvertes par l'économie.

PROPOSITIONS POUR UNE AUTRE SOCIÉTÉ
Dans les deux derniers chapitres, Réinventer le politique: sortir du contractualisme et Désenchanter le travail, Dominique Méda parle de la crise que vit notre société, du risque de segmentation, de balkanisation. Elle fait des propositions, dessine les contours d'une nouvelle société basée sur la communauté. Elle n'oublie pas que le travail reste un facteur d'émancipation féminine. Cela reste passionnant, on a envie de citer beaucoup de passages, mais j'ai parfois eu l'impression de lire de la science-fiction.

J'espère que mon résumé ne simplifie pas trop ce livre. C'est un livre qui fourmille d'idées, on peut le reprendre, le discuter, puiser dedans.
 Ce que j'ai surtout compris, c'est le sentiment de malaise que je pouvais éprouver vis-à-vis de cette valeur tellement installée qu'on n'ose la remettre en cause, alors que mon vécu du travail était à l'inverse. L'ennui, l'insupportable ennui et, en face, un système qui vous affirme: vous y avez droit, c'est même votre devoir. Quand on parle d'effort physique, d'effort intellectuel, de sacrifice temporel, on est dans le réel. Le "travail" est un concept élaboré par une classe intellectuelle dominante pour faire tenir la société. Le soupçon pèse sur l'homme ou la femme "hors travail", quelque soient ses qualités humaines, ses compétences. Cette culpabilité originelle, ce leitmotiv lancinant sert aussi de camisole invisible pour faire tenir la société. On peut se demander si le coût social, médical, n'est pas démesuré...
« Le grand défi lancé à l'État aujourd'hui n'est donc pas de consacrer plusieurs centaines de milliards de francs à occuper les personnes, à les indemniser ou à leur proposer des stages dont une grande partie sont inefficaces, mais à parvenir à trouver les moyens de susciter des regroupements et des associations capables de prendre en charge certains intérêts et de donner aux individus l'envie de s'y consacrer, de susciter chez eux le désir d'autonomie et de liberté. » p.328

mardi 17 juin 2014

Le piéton du Grand Paris

La bonne formule du livre de voyage

Le piéton du Grand Paris.
Voyage sur le tracé du futur métro. (Parigramme) 
Texte: Guy-Pierre Chomette      Photographies: Valerio Vincenzo

Si vous aimez randonner, explorer le territoire et que vous désespérez de tout voir...
Si, en regardant le paysage autour de Paris à travers la vitre du train, vous vous demandez à quoi ressemblent ces villes traversées en un coup de vent, où vont et vivent ces milliers d'inconnus que vous croisez tout les jours, alors ce livre est pour vous. C'est un grand plaisir de lecture qui éveille des envies: aller visiter le village fantôme de Goussainville, le port de Gennevilliers et son écluse, à quoi ressemble le plateau de Saclay...Le désir de confronter des images mentales à la réalité.

Guy-Pierre Chomette raconte, à la première personne sa randonnée pédestre sur le tracé du futur métro. Il décrit son cheminement en temps réel, ce qu'il voit et ce qu'il ressent. On a l'impression de marcher à coté de lui, avec lui, un peu comme si on était un aveugle et qu'il était nos yeux.

Tout au long de la lecture, on apprend les grandes histoires et les anecdotes contemporaines du paysage et des villes qui ont poussé. Entre les blocs de textes, les photos de Valerio Vincenzo incitent le lecteur à la méditation. Derrière une simplicité apparente, un livre très bien écrit et composé.

On débute et on finit le voyage par Roissypôle, un monde qui n'est pas à l'échelle du piéton. Trente étapes plus loin, on a fait un vrai voyage en compagnie de l'auteur, on a appris énormément de choses. On ne peut plus regarder le paysage urbain comme avant: on a l'impression de sentir ses lignes de forces, de deviner ce qu'il y a derrière la ligne d'horizon...Combien de personnes ne savent rien des histoires cachées au bout de leur rue et de ce que les politiques et urbanistes ont décidé à leur place....
St Denis, exploitation maraîchère de René Kersanté

Après chaque chapitre, j'avais la sensation d'avoir un paysage mental dans la tête, plein de réminiscences, voire même des flash, comme si j'avais visité les lieux . Les rencontres avec des "locaux" enracinés et investis qui font vivre les lieux et dont les récits de vie nourrissent le livre. On rencontrera un jardinier utopiste à Nanterre, un agriculteur traditionnel qui se convertit peu à peu aux AMAP (Jardins de Cérès) et au biologique et lutte pour l'enterrement du métro, un gendarme historien amateur, un maire natif d'une ville difficile qui espère encore, un éclusier qui souligne le caractère écologique et indispensable du trafic fluvial, un original qui a sauvé de l'oubli la pyramide de Cassini et bien d'autres...Tout une ribambelle d'idéaux qui s'expriment au long de la randonnée et qui font du bien dans notre époque désenchantée.

 Et soyons lucides: Guy-Pierre Chomette a fait le voyage à notre place car nous n'aurons jamais le temps d'explorer tous les lieux qu'il a traversé. Lire ce livre, c'est un peu comme le plaisir de rêver sur une carte: on laisse glisser ses yeux sur le papier, sur les lignes géométriques ou sinueuses, l'imagination fait le reste. Il nous épargne la fatigue de la marche où on se cogne au réel, au poids du corps, à la vigilance nécessaire.
Guy-Pierre Chomette a peut-être voulu mettre tout le paysage traversé, sa grande et sa petite histoire, les anecdotes du quotidien, dans l'espace d'un livre, et moi je voudrais mettre tout son livre dans mon billet.

Mais il nous reste une solution pour pallier à la frustration : aller dans les paysages et lire ou relire le livre, à la fois guide et livre de voyage.

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Notes de lecture avec n° de page.

EN PARISIS
Le village fantôme du vieux pays de Goussainville

  • Sortir à pied de Roissy-Charles-de-Gaulle, l'échelle n'est pas celle du piéton. Roissy-en-France, les "cônes de bruit".
  • Vieux pays de Goussainville: le village fantôme où un habitant s'accroche envers et contre tout. L'église protège le village de la destruction car classée.
  • François Maspero Les passagers du Roissy-Express( lu 4 mois plus tard: Les passagers du Roissy-Express. Triangle de Gonesse, verdure, petite route désaffectée. Projets de centres commerciaux. Ikea. Vieux pont abandonné. Parc des Expo RER B. Usine PSA D'Aulnay.
  • 57 St Denis, d'après la légende, mit sa tête sous son bras...les raisons des recherches archéologiques...
EN MANTOIS


  •  92 rouleau de peinture rouge- les arcs rouges de Felice Varini
  •  93 Asnières et Gennevilliers, guerre de cité, boulevard Pierre de Coubertin.
  • 95 Refuser de faire imploser des tours car trop violent.
  •  96 Fulgence Bienvenüe. Port de Gennevilliers, 350 km de fleuve entre Gennevilliers et Le Havre, une piste cyclable...
  •  98 histoire : le dépôt des pauvres- le flagrant délit de mendicité- les clochards étaient écroués - Vue dégagée sur le flanc occidental de La Défense.


  • Nanterre, histoire, Monique Hervo: documenter le bidonville- rue de la Garenne, au 127 (disparu) un seul point d'eau- labyrinthe de venelles boueuses. Idée : faire respirer la ville avec les faisceaux ferroviaires.
  • 102 Cimetière de Neuilly, point de vue fermé, axe historique de Paris - St Germain en Laye.
  • 106 Roger des Prés, personnage de Nanterre- agro-poésie- le plessage. Longer l'A 86.
  • 110 Cours Ferdinand de Lesseps - île de Chatou longue de 9 km- digue de Croissy. Mirador de vieilles pierres.
  • Frédéric Utter l'éclusier. Extrait qui donne une idée du style simple et efficace de l'auteur :
« Tout à coup, un pousseur de barges des ciments Lafarge heurte violemment l'entrée de la petite écluse. Le perchoir de Frédéric tremble sur ses bases. Les hommes de bord, un peu gênés, lui font de grands sourires.                                                                                         - Salut, tu vas bien ? demandent-ils comme si de rien n'était.  
      - Ben ouais, ça va, mais faites gaffe, quand même!                              - Ils sont pressés de rentrer chez eux, ceux-là, maugrée l'éclusier en refermant la fenêtre de son refuge. S'ils nous arrachent une porte, le temps qu'on répare, vous verrez des hordes de camions déferler dans le Grand Paris ! »
  • Forêt de Malmaison, en 1959, fait divers, l'affaire des "ballets roses"- étang de St Cucufa.
  • 113 Marnes la Coquette et loi SRU- domaine de la Marche- Parc de Marnes, le plus sélect. Le pouvoir des classes dominantes est aussi un pouvoir sur l'espace :
 « Sur le schéma du futur métro du Grand Paris, établi au début des années 2010 après de longues négociations entre l'Etat et les collectivités locales, une curiosité saute aux yeux: alors que 72 gares sont prévues pour 200 km de lignes, soit une tous les 2,7 km, aucune n'est programmée entre Rueil-Malmaison et Versailles. 
(...)A la société du Grand Paris, où j'essaierai d'en savoir plus sur les raisons de ce qui m'apparaît comme un oubli regrettable, on me répondra -en off...- que les élus de ces banlieues cossues ne veulent tout simplement pas de ce métro chez eux. »

  • 119 Entrer dans Versailles, hauts murs clôturant. Paris à 21 km - urbanisme mégalomane.
  • 121 Monter à Satory. Didier Bertin, le gendarme historien. Hameau de Bouviers: remonter le temps.
  • 127 Ville neuve: St Quentin en Yvelines. Histoire des villes nouvelles. 150 000 habitants, murailles de Samaris. Ville allégée où les voitures sont tenues à distance.
  • La Ville Bidon de Jacques Baratier, film souvent cité

HUREPOIX.

  • Palaiseau. L'Essonne: créé en 1968. Plateau de Saclay- Châteaufort. 2011 la rigole de Châteaufort. Hydrographie, comment drainer les eaux.
  • 157 Collectif "Enterrez le métro"- Terres menacées par l'urbanisation- les terres de Saclay sont parmi les plus fertiles de France.
  • 163 Urbanisation dévoreuse de terres agricoles exceptionnellement nourricières- danger de l'étalement urbain devenu incontrôlable - chaque jour en France, + de 160 ha sont recouverts par le béton.
  • 166 Ecole polytechnique. 169 Jean-François Pernot, histoire militaire. 174 Laurent Leylekian, acoustique des moteurs d'avion- la psychoaccoustique: il y une différence entre le son perçu et le son émis.
  • 173 Descendre du plateau de Saclay.
  • 176 Lieux monofonctionnels- zones dortoirs- zones de travail.
  • 177 Le vieux Massy. Massy et Antony, emblématiques cités dortoirs.
  • 194 Wissous, sa gare, la plaine de Montjean.
  • Rungis/ Orly- perdre ses droits de piéton- contrôlé par des militaires.
  • 188 Le grillage Dirickx, Axis et Axor. Le concept de marchabilité qui commence à être pris en compte par les urbanistes (IAU)
  • 190 MIN de Rungis, déserté à 14 h.
  • 191 « Un clochard solitaire erre sur l'avenue des Maraîchers chauffée à blanc, comme l'unique survivant d'une ville abandonnée. »
  • 192 Cachan, le jardin panoramique.
  • 193 Pyramide de Cassini, carton chien méchant, encore un personnage original: St Jean Aguerre. Le bonheur des rencontres imprévues.

BRIE
Noisy-le-Grand. Les Espaces d'Abraxas, édifiés par l'architecte Ricardo Bofill

  • 215 Pourquoi tant de Pompadour dans le secteur cristolien. Pierre Billotte, Pierre Dufau. Iles de Créteil.
  • 219 St Maur des Fossés. Méfiance des communes du Grand Paris les unes envers les autres.
  • 225 Cité-jardin de Champigny. Henri Sellier.
  • 227 Noisy-le-Grand. Le ballon. Yves Lion.


RETOUR EN PARISIS

  • Chelles et Jean Valjean
  • 254 squats, moulin de Sempin. 258 Tour Utrillo qui va devenir la Tour Medicis
  • 260 Aqueduc de la Dhuys, coulée verte, réputation de la forêt de Bondy.
  • 261 Le maire de Clichy Olivier Klein. L'histoire et l'échec de la copropriété. Visite dans la ville. Bidonvilles verticaux.
  • 268 Le Raincy- Dampart 30 km de randonnée. L'employé de la déchetterie de Livry-Gargan.
  • 270 Le scandales des pavillons à la découpe à Sevran, 400 euros le lit. 272 Gare des Beaudottes.
  • 274 Prison et arrêt de bus à Villepinte. 276 Avenue Vauban et présence de l'aéroport. Tremblay-Vieux-Pays, Tremblay-en-France.
  • 278 « X masculin n°13/0824 »- cette sensation de fin du monde, caravane et effluves de kérosène. 279 Le Mesnil-Amelot. 282 finir à Roissy, retour au point de départ.

vendredi 6 juin 2014

Les nuits de Maigret sur les quais de Ouistreham

Georges Simenon, le Port des brumes, 1931. 
Rien de mieux qu'un petit Maigret de dessous les fagots. C'est comme d'aller à la cave se choisir une bouteille de vin dans le cellier, s'asseoir dans un fauteuil et commencer sa lecture à la lueur de la lampe, pendant que la nuit étend ses quartiers derrière la vitre.
Cuvée 1931: Le port des brumes.

La pluie ruisselle sur un wagon de train. Dans le compartiment, à travers la fumée de sa pipe, Maigret observe deux personnes: Yves Joris, retrouvé à moitié fou, le regard ahuri dans Paris. On lui a fendu le crâne d'une balle puis on l'a soigné d'une façon remarquable. Et on a mis sur son compte 300 000 francs. Et Julie, sa servante, qui l'a identifiée grâce aux avis de recherche dans les journaux, jolie, fine, on sent la petite paysanne restée fruste. Quel est ce mystère ?

Dans la nuit, ils arrivent à Ouistreham où ils vivent. Maigret n'essaie pas d'imaginer les lieux, il sait qu'à ce jeu-là, on se trompe tout le temps.

Atmosphère, Atmosphère:
«Et, au sortir de la ville, on fonce littéralement dans un mur de brouillard. Un cheval et une charrette naissent à deux cent mètres à peine, cheval fantôme, charrette fantôme. Et ce sont des arbres fantômes, des maisons fantômes qui passent aux deux cotés du chemin.»
Et puis...Un meurtre est commis ! A la strychnine !
Le commissaire mène l'enquête. On retrouve l'art de Simenon pour décrire des communautés et des classes sociales. Celle des hommes de mer qui gravitent autour de l'écluse, dans l'ombre tarabiscotée de la drague et de la Buvette de la Marine, qui vivent au rythme des marées, une franc-maçonnerie pas bavarde, qui se serre les coudes.
On retrouve sa manière balzacienne de peindre les notables, le maire:
«Une attitude aussi traditionnelle que possible: celle du gros personnage de petit patelin qui se croît le centre du monde, s'habille en gentilhomme campagnard et sacrifie à la démocratie en serrant distraitement des mains, en adressant de vagues bonjours aux gens du pays....»
Les oppositions de classes sociales:
« Maigret trinquait avec les éclusiers. Le maire recevait le Parquet avec du thé, des liqueurs et des petits fours. » 
«Maigret était un homme tout court, sans qu'on lui mettre une étiquette. »
Ouistréham-Riva-Bella -87- Le Phare pris de l'Avant-Port
Source de l'image (et d'autres cartes postales du port de Ouistreham)

Les intermédiaires: Yves Joris, ancien capitaine du port, qui ne tutoie pas les aides-éclusiers, le groupe de la buvette, plus simple, plus débraillé, et va à l'occasion tirer le canard avec le maire.

Dure enquête pour le commissaire, hargneux, furieux, face à ces gens qui se taisent. Le mort n'a plus qu'un seul ami: le commissaire Maigret «un homme qui se débat tout seul pour savoir la vérité »
Et qui aura gain de cause, bien sûr. Et repartira vers Paris avec le fidèle Lucas par le train de 10 heures du soir, le coeur déjà plein de nostalgie pour ce monde-là....

Et le lecteur est pareil. On quitte à regret cette atmosphère. Ce sont vraiment des romans parfaits, des valeurs sûres, le digne successeur de Maupassant avec son écriture sobre et précise. Cette art de la phrase solitaire qui fait parler le décor et l'inscrit dans une  temporalité:
«L'humidité de l'air est telle que la lumière des lampes, sur le quai, perce à peine la couche laiteuse. » 
«Ce n'est pas sinistre, c'est autre chose, une inquiétude vague, une angoisse, une oppression, la sensation d'un monde inconnu auquel on est étranger et qui poursuit sa vie propre autour de vous. » 
« Les gros nuages qui couraient bas dans le ciel semblaient accrocher la cîme des peupliers bordant la route. » 
« Le tic-tac de l'horloge semblait plus lent que partout ailleurs. Le reflet qui s'étirait sur le balancier de cuivre allait se reproduire sur le mur d'en face. »
Ça n'a pas vieilli, grâce au style assez neutre de Simenon. Quelques occurrences qui signalent 1931 :
le pitchpin, le coaltar, le réveille-matin, une bicoque, un trousseau de rossignols, une carriole de paysan, de la bistouille dans les verres, une fine (alcool), les lucioles pâles des becs de gaz, les années de bagne, l'estaminet, une mèche de lampe qui charbonne, faute de pétrole

Les différences sont plus notables dans le comportement de Maigret : qu'est-ce-qu'il fume et partout ! Et ça picole sec, à toute heure ! Et le commissaire a la même autorité sur l'agent policier qu'il trouve au coin d'une rue de Caen que sur Lucas qu'il fait venir de Paris.

Voilà, je suis content de m'être remis à Simenon . Je ne me souviens pas combien j'en ai lu (Maigret et romans durs) mais je sais qu'il y a de quoi faire et que ça supporte la relecture.





dimanche 1 juin 2014

Perec explore l'espace

ce que nous appelons quotidienneté n'est pas évidence, mais opacité: une forme de cécité, une manière d'anésthésie. 

Georges Perec  Espèces d'espaces  (Galilée), 185 pages, 1974.

Tiens, et si, comme Georges Perec, on faisait le compte des espaces traversés dans une journée ? Car « Vivre, c'est passer d'un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »

 Pourquoi l'espace ? Il nous préoccupe beaucoup moins que le temps, semble-t-il, puisque :
« L'espace semble être, ou plus apprivoisé, ou plus inoffensif, que le temps: on rencontre partout des gens qui ont des montres, et très rarement des gens qui ont des boussoles. » p.164
Ce qui rend Perec original, c'est la manière dont il questionne le quotidien, le banal - des gens avec une montre, parce que, sous-entendu, il y aurait, avec le temps, une menace, qui n'existerait pas avec l'espace. D'un seul coup, des perspectives vertigineuses, des portes s'ouvrent dans notre esprit: et si nous vivions dans un monde où la boussole remplace la montre...

Il commence par l'espace de la page « Il y a peu d’événements qui ne laissent au moins une trace écrite ». Il continue par le lit, ce qu'il pense de son lit, ce qu'il y  fait (le vice de la lecture), ce qu'il aime dans son lit, les banalités autour du lit
 ( On passe un tiers de son temps dans son lit).

Puis, c'est la chambre, il se souvient de toute celles où il a dormi.
« L'espace ressuscité de la chambre suffit à ranimer, à ramener, à raviver les souvenirs les plus fugaces, les plus anodins comme les plus essentiels. »
Il se demande comment classer toutes ces chambres où il a dormi, il propose une typologie (p.48). Puis il digresse, sa méditation est libre, il appelle ça "petite pensée placide", exemple:
« N'importe quel propriétaire de chat vous dira avec raison que les chats habitent les maisons beaucoup mieux que les hommes. » 
L'appartement questionne le fonctionnel. Il repense à une vieille voisine qui ne sortait plus de chez elle, séquence émotion avec cette vision crépusculaire.
Découpage scénaristiques des tranches horaires... Dans ce chapitre, Georges Perec parvient à placer le mot nycthéméral. Et il invente les mots "gustatoir" et "auditorium". Et si nous avions une pièce pour le lundi, une pour le mardi...L'humour constant est source d'idées.
...la rue est ce qui sépare les maisons les unes des autres...

En principe, les rues n'appartiennent à personne. L'auteur décrit tout ce qu'il y a dans les rues comme si nous ne savions pas ce qu'est une rue. Il imagine la transformation de la rue, il essaye de voir ce qui est invisible, les infrastructures sous le bitume, le passé géologique.

Sa ville, c'est Paris. Et quand on est un piéton de Paris, on se reconnaît évidemment dans ce qu'il écrit. Se souvenir que la capitale s'est bâtie autour de sept collines. Il déclare sa flamme à sa ville.

J'aime certaines lumières...
« J'aime marcher dans Paris. Parfois pendant tout un après-midi, sans but précis, pas vraiment au hasard, ni à l'aventure, mais en essayant de me laisser porter. (...) J'aime ma ville, mais je ne saurais dire exactement ce que j'y aime. Je ne pense pas que ce soit l'odeur. Je suis trop habitué aux monuments pour avoir envie de les regarder. J'aime certaines lumières, quelques ponts, des terrasses de café. J'aime beaucoup passer dans un endroit que je n'ai pas vu depuis longtemps. » p.124
Perec se pose des questions que les autres ne se posent pas. Ensuite, il énumère sans se soucier d'épuiser le sujet. Espèces d'espaces fonctionne comme un catalogue de propositions qu'il se fait à lui-même. Ça n'a l'air de rien, mais derrière chaque phrase il y un livre possible.
Cahier des charges de La vie, mode d'emploi

Exemple, quand il examine l'espace de l'Immeuble, c'est un projet de roman, qui fera 400 pages. Nous sommes en 1974, La Vie, mode d'emploi, sortira 4 ans plus tard. Et, page 100, quand il s'occupe de la rue, cela donnera Tentative d'épuisement d'un lieu parisien (expérience d'octobre 1974, mais parue chez Christian Bourgois en 1983).
« Observer la rue, de temps en temps, peut-être avec un souci un peu systématique. (...) Noter ce que l'on voit. (...) Se forcer à écrire ce qui n'a pas d'intérêt, ce qui est le plus évident, le plus commun, le plus terne. »

En résumé, Perec transforme ses remue-méninges (ou brainstorming) en un livre conceptuel qui recèle plein de richesses cachées. Et surtout, on a envie de lui dire merci pour sa générosité de nous fournir tant et tant d'idées.