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lundi 26 novembre 2018

ÇA RACONTE SARAH


Pauline Delabroy-Allard
EDITIONS DE MINUIT (06/09/2018)

Mise à jour 12 décembre 2018 : elle a obtenu le prix du Roman des étudiants France-culture Télérama. Et donc un article très intéressant de Marine Landrot où l'auteur raconte la genèse de son roman. Cliquez sur l'image pour le lire: 



Ce roman raconte la rencontre et la passion fusionnelle entre deux femmes. Il y a la Sarah du titre, violoniste fantasque aux yeux de serpent qui part en tournée aux quatre coins de la France et du monde et la narratrice-observatrice, professeure d’école à Paris, lectrice de Hervé Guibert et Marguerite Duras, qui a une fille de 10 ans et dont on ne saura pas le prénom. 

La narratrice montre le bouleversement que Sarah introduit dans sa vie. Elle se trouvait en « latence », le temps qu’il y a entre deux moments importants, quand surgit cette femme de 35 ans, « qui sent le piquant du froid », un soir de réveillon. 
Et elle égrène, au plus près, comme d’une voix rapide, au bord de l’essoufflement , les souvenirs virevoltants de l’amour charnel et de la passion dévorante. Les yeux qui ne se quittent pas, les doigts qui font jouir, la douleur de la séparation. 
Se revoir, se découvrir. Sarah est la première à avouer ses sentiments. La narratrice écrit « l’amour avec une femme, une tempête... » Les bouches scellées et les corps collés. 
Source: Schubert: String Quartet No. 14 "Death and The Maiden"


Fini la latence, c’est le mouvement qui prime, tourbillonnant, vertigineux. Attendre l’autre ou ne plus y tenir et le rejoindre, à Marseille ou vers les châteaux de la Loire. 
« A la gare de Montceau-les-Mines, où des chiens errants errent dans les herbes touffues et vert tendre ... » St Pierre des Corps, Blois, Venise...
Mais on sent chez les deux femmes l’aspiration à se libérer de cette passion vampirisante. 

Et Trieste devient le troisième personnage du roman. Il y a un bel appartement  dans la Via Del Monte, un petit banc au-milieu d’un chantier naval et un magasin Spar. Il y a la bora, le vent mugissant qui descend des Alpes. A Trieste, il y a des chaînes dans les rues pour que les habitants puissent se tenir quand la bora souffle trop fort...

C’est un beau roman au style fluide, épuré, qui semble couler de source. Des phrases simples qui n’ont l’air de rien mais qui vous emmènent dans leur flux insensé, des phrases qui vous laissent à peine le temps de s’arrêter pour comprendre les mots. On se laisse emmener dans cet amour fantasque et il monte en gravité alors qu’on ne s’y attend pas. Déclenchant des envies de tristesse comme un morceau de Schubert. 

mardi 20 novembre 2018

PUKHTU PRIMO de DOA.



Quatrième roman de DOA chroniqué sur ce blog. 

C’est un livre de guerre qui se passe en Afghanistan. Un affrontement entre des mercenaires (dit « paramilitaires ») et des combattants fanatiques sur fond de trafic de drogue. C’est un livre de guerre et d’argent, le second étant bien sûr le nerf du premier...Les explosions de missiles, lance-roquette, tirs de drones, AK-47, kamikazes, tous bien nommés et documentés se suivent et se répètent comme des roulements de batterie dans un morceau de hard rock. Les trajets en hélico sont les riffs de guitare. Ça se déchaîne, dans le feu et le sang. 

Mais c’est d’abord un livre sur des hommes et des points de vue. 
Des hommes qui ont tous des secrets dangereux et douloureux à cacher.
Un chef de clan respecté doit cacher l’amour qu’il a pour sa fille parce que les femmes ont une place inférieure dans la religion et surtout chez les intégristes. 
Un chef paramilitaire dissimule des malles d’argent, de drogue et de produits chimique qui suivent des chemins croisés.  Les détails du blanchiment d’argent nous seront donnés. . 
Un paramilitaire, déjà vu dans Citoyen clandestin doit cacher le double jeu qu’il mène et doit décider de trahir ou non, une fois de plus... Le même homme jouera une sorte de blues déséspéré dans le roman par l’amour qu’il porte à une pauvre pute défigurée. 
Un journaliste à l’histoire familiale difficile trouve une raison de vivre à percer les secrets des officines militaires privées. 
C’est un monde de fiction où il n’y a pas les bons d’un coté et les méchants de l’autre. Mais plutôt les méchants et les très méchants. Les cruels, les pervers, les brutes, les tueurs par nécessité, et les tueurs par plaisirs. Et de l’autre coté, les victimes...
Les personnages 

Afghanistan, Pakistan, Dubaï, Arabie Saoudite, Kosovo, la France, les Etats Unis, on se promène dans tous les lieux du monde. 
On lit le roman en apnée, on se laisse entraîner dans ce théâtre mortel qui révèle tant de choses sur la géopolitique, la guerre technologique qui s’oppose à celle, plus artisanale, et pas moins efficace ( le piège du téléphone à la fin de ce premier tome) des combattants talibans, le combat au corps à corps dans les décors de nuits et de montagnes majestueuses. 
 Je n’ai pris quasiment aucune note, contrairement à mes habitudes, tellement j’ai été happé. Je n’ai qu’une envie, savoir la suite, et enchaîner sur le deuxième tome...

Il y a d’excellents billets à propos de ces romans, je ne ferais pas mieux: