Pages

mercredi 26 septembre 2018

L'invention de la neige, Anne Bourrel


L’INVENTION DE LA NEIGE, Anne Bourrel, 
Pocket (11/05/2017) La Manufacture de livres, 2016. 

Une belle bourgeoise triste
Laure Brenon n’arrête pas de pleurer et Ferrans, son mari, décide de la dépayser et d’emmener la famille dans les Cévennes. Pour voir la neige et skier. 
Si Laure est si triste, c’est parce qu’Antoine Brenon, 93 ans, son grand-père qui l’a élevée, vient de mourir et d’être enterré. Elle allait le voir à la maison de retraite chaque semaine, recueillir ses dernières paroles, les récits de sa vie. 

Le point de vue d'une narratrice
C’est la mère de Laure qui raconte, qui imagine aussi, sans doute, le trajet vers les Cévennes dans la Cayenne bleu-nuit de cette fille jalousée qui ne lui ressemble pas, 1,80, mince, les yeux bleux. Bien mariée avec un mari chef d’entreprise aisé, Ferrans, dépeint comme une sorte de vieux beau énergique et froid, souvent agacé par les humeurs de cette femme plus jeune que lui. « Un mari gâché » pense la narratrice. Avec eux, les deux filles de Ferrans, Moira et Clotilde, qu’il a eu d’une précédente union. Laure n’arrive pas à avoir d’enfant.

L'auberge au lézard 
Sur le plateau de l’Aigoual, dans les Cévennes, il fait froid, mais de neige, nulle trace. L’impatience de Ferrans peut grandir, à espérer en des canons à neige en altitude, ils ne vont pas lui inventer sa neige salvatrice. Et Laure continue de pleurer. 
A l’auberge où ils logent pour quelques jours, ils découvrent une sorte de micro société dans cette partie enclavée de la France. D’abord la grosse femme aubergiste et son lézard aux pattes griffues qui rôde partout, Jean Paul, l’homme aux yeux morts, avec sa planche de skate, moniteur de ski. Il y a aussi un homme qui court, qu’on voit passer, à toute vitesse. C’est le généraliste du village, Ali Talib. Ferrans lui demandera d’examiner sa femme qui ne dort plus. La petite famille semble étrangement décalée avec son arrivée impromptue en quête de neige.  

Du coté des Républicains en Espagne
En parallèle de ce récit, on va dans le passé. Antonio Bernon raconte son engagement à 15 ans du coté des Républicains dans la guerre civile espagnole, les horreurs de la guerre. Ce qui le fait tenir c’est l’idée de retrouver Gabriel, son amant, l’amour de sa vie. Mais de retour à Barcelone, la pharmacie des parents de Gabriel est tenu par d’autres gens et son amant a disparu. Antonio fait le seul métier qu’il connaisse: il travaille dans un bordel où il donne son cul. Bientôt, la menace franquiste se précise et il décide de fuir, en compagnie d’une « collègue », Maria de Las Nieves. Après les Pyrénnées, ils sont parqués sur la plage d’Argelès puis séparés. Antonio se retrouve dans un camps de réfugiés à Bram où il va apprendre le français et devenir Antoine Bernon. 

Une fin déroutante et macabre
On ne sait pas où on va, où on se dirige, dans ce roman. Il y a une vrai liberté dans la narration, on se demande si l’auteur elle-même avait prévu la fin, ou si elle l’a découverte, a réussi à l’inventer, comme la neige. On a le sentiment d’ une sorte de coalition secrète des personnages qui nous emmènent vers un bout de route invisible et innatendu. 
Une sorte d’humour noir très subtil se dégage de cette atmosphère dans cette auberge où on sert de la joue de boeuf et du vin rouge, avec le lézard, la grosse femme, le bourgeois énervé et sa femme éthérée et triste, le joli médecin souriant, sa pâte à crêpe, sa mélatonine et son codalil. Et la découverte du premier mort sonne presque comme un gag...
 Le dernier chapitre, toujours narré par la mère de Laure avec ce ton acerbe qui instille le malaise, va faire se rejoindre tous les fils et donner du sens à chacune des informations distillées, la description physique de Laure, les vraies raisons de sa tristesse et de son insomnie. Chaque détail fait sens et donne un plaisir de lecture augmenté. 

PERSONNAGES
Laure Brenon, 42 ans
Ferrans, son mari, 58 ans
La mère de Laure, narratrice
Antonio Bernon/Antoine Brenon, le grand-père
Teodora / Maria de Las Nieves, la grand-mère
L’aubergiste (Amélie) et son lézard (Roxy)
Moïra et Clotilde, les filles de Ferrans
Jean-Paul, moniteur de ski
Dr Talib, généraliste du village
Gabriel, l’amant d’Antonio
Agusti, Pujol et Jornet, compagnons d’Antonio dans le camp de Bram


samedi 22 septembre 2018

L'ÉCLUSE N°1, Georges Simenon


L’ÉCLUSE N°1 de Georges Simenon (1903-1989)

écrit en avril 1933 . Maigret n°17. 


On est à Charenton-le-Pont, à l’écluse n°1. Un homme îvre, Gassin, sort d’un bistrot et tombe à l’eau alors qu’il regagne son bateau. Il est retenu par quelque chose sous l’eau. Un corps ! A l’aide d’une gaffe, on retire le corps du noyé, qui a pris un coup de couteau, et on reconnaît Mimile, c’est-à-dire Emile Ducrau, l’armateur tout-puissant qui règne sur le canal, de Charenton jusqu’à la Belgique. Ducrau, une force de la nature, entêté, est ranimé et ramené chez lui. 
Gassin, lui, va poursuivre sa "neuvaine" d'alcoolique, d'estaminet en estaminet. 
Le lendemain, le commissaire Maigret descend du tramway n°13 Bastille Créteil pour mener son enquête. Qui a essayé de tuer Ducrau et pourquoi ? Le commissaire n’a plus que quelques jours à faire dans la police avant de prendre sa retraite anticipée et de s’installer dans sa « bicoque » des bords de la Loire. Sa femme part d’ailleurs là-bas, par la gare d'Orsay, pour installer les meubles. 
Il découvre donc ce petit monde dominé par la personnalité écrasante de Ducrau avec lequel se noue une relation équilibrée et un jeu du chat et de la souris. 
Bon roman d’atmosphère, beau portrait d’un homme puissant en affaire, ancien marinier qui s’est hissé hors de sa classe sociale à la force du poignet mais qui souffre de ne jamais ressembler à ces bourgeois qu’il côtoie dans sa propriété des bords de Seine à Samois. Simenon décrit un homme obligé de tomber l’armure, et qui montre toutes ses fêlures. 
Il y a des personnages fantômes aussi, tout d’abord Aline, la fille de Gassin, qui a un esprit de fillette de neuf ans, apparition angélique qui ne manque pas d’émouvoir Maigret. Gassin, le vieil ami de Ducrau, qui entre dans une neuvaine d’alcool. Jean, le fils fragile de Ducrau.  Et Bébert, l’aide-éclusier, pourquoi va-t-il commettre cet acte insensé au-milieu du roman ?



Personnages: 
Jules Maigret, commissaire de police
« Le commissaire, cependant, avalait une grande gorgée de bière fraîche, s'essuyait les lèvres et bourrait une nouvelle pipe. »
Emile Ducrau, dit Mimile, armateur

« Il avait une physionomie étrange, une tête large, charnue, aux traits épais, et pourtant on sentait que c'était dur, d'une solidité exceptionnelle. Son regard, quand il guettait un réflexe de Maigret, rappelait celui des vieux paysans qui font un marché à la foire, mais, la seconde d'après, les yeux bleus révélaient une naïveté déroutante. »
Gassin, vieil ami de Ducrau 

« Le vieux Gassin était là, tout seul, hargneux comme un chien malade, les yeux plus bordés de rouge que jamais »

Aline, fille de Gassin
« ...Maigret avait eu le sentiment de l'étrangeté d'Aline, qui, de loin, avait quelque chose d'aérien. Or, elle n'était ni mince ni frêle. Et même, quand on la voyait de près, on constatait qu'elle avait une chair saine et ferme, pleinement vivante. Ses traits étaient réguliers, et son teint coloré contrastait avec la blondeur de ses cheveux. »
Lucas, inspecteur de police
Jeanne Ducrau, femme de Ducrau
Berthe Ducrau, fille de Ducrau
Decharme, gendre de Ducrau
Bébert, aide-éclusier
Jean Ducrau, fils de Ducrau
« Rien sur ce Jean Ducrau, rien de rien ! Il y a comme cela des êtres sur qui les gens n'ont rien à dire. »
Mme Maigret

Lieux: 

Charenton, autour de l’écluse n°1 :
                  - La Toison d’or, le bâteau de Gassin, où il vit avec Aline, sa fille. 
                 - La Maison haute, où vivent les Ducrau et la maîtresse de Ducrau.

Paris      - Le Tabac Henri IV au-milieu du Pont Neuf
              - Le Quai des Orfèvres
              - Le Bureau de Ducrau, 33, quai des Célestins
             -  L’appartement de Maigret, boulevard Edgar-Quinet, vidé de ses meubles. 


Samois-sur-Seine, la propriété de Ducrau en Seine-et-Marne, le long du chemin de halage. 
 «  La maison de campagne de Ducrau, à Samois, séparée de la Seine par le chemin de halage, était une grande construction à trois ailes précédée d'une cour d'honneur »

- Du même auteur sur ce blog: LE PORT DES BRUMES.

dimanche 16 septembre 2018

BOIS LE ROI CHARTRETTES 1900


Il y a un mélange entre des images du livre et des archives personnelles. C’est une autre époque où les cartes postales servaient à donner de ses nouvelles, à prévenir qu’on était bien arrivé. 

BOIS-LE-ROI CHARTRETTES 1900  
Il est publié chez l’éditeur AKG, rue Grande à Fontainebleau. 
  
Couverture du livre
Thème: histoire locale

Auteurs: Jean Varly, Michel Poulin. 

Date de parution: 2018

Nombre de pages: 177

Prix: 39 euros (mais on peut l'emprunter en bibliothèque).

Temps de lecture: Fluctuant. J’ai passé deux heures mais je devais le rendre le lendemain à la médiathèque. C’est le genre de beau livre dont on s’imprègne, qui se relit, qu’on montre à des invités, des amis...

SOMMAIRE 


BOIS-LE-ROI 
De la Grande Rue à la Place de la République
Allons vers l'École
Quartier de la Gare 
Balade à Brolles 
Descendons sur la Seine

CHARTRETTES 
Centre du Village 
Grande Rue - Quai des Vallés 
Chemin du petit Vau
Rue Foch 
Route de Bois-le-Roi 
Route du Châtelet-en-Brie
Route de Sivry 
Le Coteau 
Annexe 
Tripogneuse 
Les Ponts Gué, Barrages, 
Écluses Seine, Navigation

Résumé 
Des cartes postales anciennes (CPA) servent de guide pour une visite virtuelle des villages de Chartrettes et Bois-le-roi, commenté par les collectionneurs passionnés d’histoire locale. C’est un voyage dans le passé. 

Lecture
Mais pourquoi les hommes à l’époque portaient-ils tous des casquettes et des moustaches ?
Je tourne les pages lentement. C’est un beau livre où il n’y a pas beaucoup à lire, mais beaucoup à regarder. Peu à peu, il s’imprègne en moi et je reverrais les mêmes lieux en les superposant à ces images noires et blancs. 


 Les gens sont au-milieu de la rue, ils ne craignent pas la circulation automobile. Il y a des champs à la place des maisons, le supermarché ne défigure pas encore l’entrée du village. 

Parfois désorienté, on s’attarde sur une partie de la carte reproduite, on cherche à faire recoller le passé et le présent. On scrute ces visages tirés des limbes sans espoir d’identification. 
IMAGE ISSUE DU LIVRE

Place de la cité à Bois le roi, il y avait déjà un hôtel restaurant Le Renaissance. La légende nous dit qu’on trouvait quatre débits de boisson, un bazar, un coiffeur, une mercerie, un serrurier, un boucher, une mercerie. A la place de l’actuelle boulangerie, le garage de mr Gasolin. A la place de Coccimarket (Coccinelle pour ceux qui ont connu), un tapissier ébéniste. Plus loin, nous croisons des livreurs de vin tirant leurs tonneaux au-milieu de la chaussée. 
Des gens posent devant le Chalet de la gare. Si on a du mal à le situer, on reconnaît bien la gare de Bois-le-roi. Le Café de la gare ne semble pas avoir beaucoup changé. 
Image issue du livre. C'est l'emplacement de l'actuel Mehari. 

En descendant la grande avenue (Doumer) vers la Seine, on a la surprise de voir un champ cultivé dans le prolongement de l’actuel Mehari. Tout simplement parce qu’il y avait un établissement d’horticulture. Troublant. 

En lisant la courte biographie qui lui est consacré, on se rend compte de l’importance de l’architecte Périn pour les deux villages. Les demeures, les belles élégantes, donnent leur physionomie et leur identité aux bords de Seine. 


La domestication progressive du fleuve et la comparaison avec aujourd’hui produisent les images les plus fascinantes. 
« Le site de la Cave était initialement un gué, c'est-à-dire un seuil sur le profil longitudinal de la Seine. Lorsqu'une rivière érode la roche sur laquelle elle coule, lorsqu'elle rencontre une couche géologique plus dure, ce site moins érodable est une zone de rapide. A cet endroit la rivière sera peu profonde et étalée. En période de faible débit il sera possible de traverser à gué, la profondeur étant faible. Les bacs ne sont pas au droit des seuils où le courant est trop rapide. Ces seuils sont des lieux favorables pour construire des barrages et des ouvrages de navigation. L'objectif est d'augmenter la profondeur pour permettre la navigation en toute saison. En amont de chaque barrage la rivière devient un plan d'eau. »
Image issue du livre

Et puis, sur un pas de porte, la légende nous dit que le boulanger Fillon regarde la rue. On ne voit pas son visage. C’est mon arrière-grand père, le père de ma grand-mère. Quelques dizaines de pages plus loin, sur le chapitre traitant de Chartrettes, un bout d’image, des lettres à déchiffrer, Jouas Désiré, peinture vitrerie. Mon autre arrière-grand père. On prend conscience qu’on est d’un pays...



jeudi 13 septembre 2018

FIEF, David Lopez


David Lopez, Fief - Le Seuil (août 2017)


Jonas nous raconte sa vie en courts chapitres. Avec ses potes, pour tuer le temps, ils se roulent et partagent des joints. Ils ont chacun leur personnalité, ce ne sont pas des mauvais garçons mais ils savent la crainte qu’ils inspirent chez les jeunes bourges aux pantalons serrés. 
« Il y a une telle fragilité qui se dégage des gens bien élevés »
Jonas sort d’un combat de boxe avec un nommé Kerbatchi, il a perdu, il a morflé. Il aura une deuxième chance vers la fin du roman. Jonas fume beaucoup, il tire des lattes des ses spliffes. 
Il ne se passe pas grand chose. C’est une chronique de petits durs, dans une zone géographique jamais nommée, autour d’un canal, une ville et ses deux collines où d’un coté il y a les riches, de l’autre ce sont les tours, la zone commerciale et la cité scolaire. 

A la salle de boxe, il mène et décrit l'échauffement avec Sucré l'ami, Virgil le boxeur parfait, et le petit jeune de 14 ans qu'il faut entraîner. Le shadow, boxer contre l'invisible. Les gants pattes d’ours pour l’entraînement. Suer jusqu'à tremper tout le maillot. 
Sonner à un pavillon à l'abandon, Romain accueille ses nouveaux amis, on joue à la console, on se fume des pétards, Ixe cultive de la beuh au fond du jardin. Débarquent Untel, le renoi, avec Lahoiss qui va leur parler de Candide,Voltaire. 
Chapitre avec le pater, qui fume aussi, d'abord sur le canapé, puis au foot. Prendre son vélo et rouler le long du canal. On assiste à un match de football entre amateurs, avec les habitués. Le rôle de Jonas est de compter à chaque fois que son père touche le ballon. 

Qu’est-ce-qu’on fait quand on ne fait rien...
La vie suit son cours dans la petite bande de Jonas. Untel vient vendre du shit à son daron dans le petit pavillon au bord de la nationale. Les gars s'improvisent une dictée avec quelques lignes de Céline. 
Jonas a un rendez-vous galant avec une jeune fille qui lui laisse faire certaines choses et s’endort après. 
Mr Pierrot lui donne une deuxième chance avec le boxeur qui l'a battu. Mais à l'entraînement, après les trois pétards qu'il a fumé, il se fait mettre minable par Sucre et Virgil, juste avant de se ressaisir. Mr Pierrot, son vieil entraîneur (et on voit le vieux Mickey (Burgess Meredith) dans Rocky) l'a bien décrypté: Jonas n'aime pas prendre des coups. Même quand il était gamin et qu'ils se lançaient des marrons à l'automne, il s'efforçaient d'ésquiver. Séquence nostalgie avec un chapitre sur les vacances. Les bandes autour du terrain de basket, la table de ping pong et la mare, dans laquelle les ballons tombent, qui gèle à l'automne. Et le shit, dont l'importance augmente dans leur vie. On appelle ça la dépendance. Sauf que pour la bande, ça devient la normalité. 
Tout a changé d'un coup dans la maison de Romain : ils ont taillé la jungle hostile, presque transformé en jardin de Versailles. Les plants d'herbe sont contaminés par un champignon. Ixe est énervé: Untel est en prison. La réalité les rattrape. On invente un jeu où il faut se mettre minable. On part en ville en voiture. Dans un bar, on fait un peu d'esclandre, on se fait remarquer. Lahuiss leur vieux pote ne les snobe pas et leur donne une bonne adresse, une soirée dans une villa. Et il y a Wanda...( et résonne dans ma tête le refrain de Bashung je vais chez Wanda et ses sirènes, et ses sirènes...). 

Les garçons s’incrustent dans une fête et on se demande comment ça va se finir. Oh, pas de grands drames... Mais l’alcool aide au pétage de cable...
Dans une villa avec piscine, il y a Wanda en maillot de bain qui lui parle de photographie, il y a une coccinelle à qui il faut sauver la vie, peut-être le plus beau chapitre du livre. 
A coté de leur ville, il y a la forêt toute proche, le plaisir de faire un feu de bois et de le regarder brûler. 

Poétique de la racaille
Le livre est passionnant par son style car il est travaillé pour aller à l'essentiel. Il colle au plus près des choses et du temps en passant par des motifs. D'où les chapitres courts. 
 Il restitue le quotidien, dans une langue simple et directe où il mélange des descriptions précises et le parler populaire de la racaille. « Je lui nique sa race au tas de ronces ». Le style commence dans la précision, le corps à corps attentif de tous les protagonistes et il se musicalise au fur à mesure que l'émotion monte. C'est ce qui me plaît le plus dans ce livre : sa langue précise qui évacue tout "résidu de flux" comme le dit l'auteur. On est au plus près du réel, qu’il s’agisse d’un combat de boxe, contre les ronces, contre l’eau de la piscine, d’une balade en vélo ou des grandes lèvres d’une jeune fille...
Et puis ces gens, on les connaît, on les reconnaît, souvent des petites gens, des anonymes. La force du livre vient de l’absence de fioriture de dispersion; David Lopez ne parle que de ceux qu’il connaît depuis longtemps. Il réinvente cette microsociété de ces souvenirs. 
Et c’est vrai que ce livre me parle parce que je connais bien les lieux qu’il décrit sans donner le nom, Nemours, son canal, sa forêt, sa gare...

samedi 8 septembre 2018

Vernon Subutex 2


Virginie Despentes, Vernon Subutex 2. Grasset. Date de parution: juin 2015. 


A propos du premier tome, je terminais mon billet Descendre aux enfers avec Vernon Subutex par ces phrases: 
"J’ai pris un gros kif à lire cette histoire qui nous fait prendre du recul sur les vanités de l’existence et nos croyances. 
Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y a un tome 2, vive le roman feuilleton."

Pas de bol, c’est la redescente. Peut-être parce que je sors d’un grand livre (Jours barbares), peut-être parce que les procédés sont éventés. Je me suis obligé à finir Subutex 2.  
On finit tout de même par entrer dans le jeu du roman, de point de vue en point de vue, l'opinion des personnages sur notre époque. On est amis sur Facebook (et on a franchit un degré dans la surveillance), il y a une vengeance sur un producteur libidineux. L'envie sexuelle des femmes est décrite sans tabou tout comme les hommes qui se laissent mener par leur braguette. Une tatoueuse qui travaille dans un bar. Xavier, bon père, cinéaste raté et son caniche qui pardonne au faf qui l'a frappé, Loïc, un pauvre mec en "rupture d'amitié".  Le passé d'une femme cocaïnomane, la Hyène qui tire les fils. Quand à Vernon, c'est devenu une sorte de chaman qui rassemble toute une faune hétéroclite autour de lui au parc des Buttes Chaumont. Franchement, niveau style ça casse pas trois pattes à un canard, mais Despentes c'est une énergie, une rage et elle réussit à la faire passer dans le roman. 

On a l’impression que l’auteur a a une réserve illimitée de portraits de ce genre. 
Qu’est-ce-qu’il y a de vraiment original dans ce bouquin ? La traduction d’une époque mais dans un style pauvre, qui illustre la banalité du réel. On dirait une sorte de ronron littéraire, qui appâte le citadin qui veut se distraire avec une lecture facile. 
Je me demande si le succès de Despentes ne vient pas de son coté vengeur. Elle permet au lecteur de régler des comptes avec la société. Je ne crois pas que je vais lire le troisième. 
De Virginie Despentes, j'avais aussi chroniqué King Kong Théorie.