Voyages en France, d'Éric Dupin, un bouquin terrible et déprimant.
C'est la vie moderne, on est foutu. Le sous-titre du bouquin est bien choisi: la fatigue de la modernité. A mon avis, c'est son éditeur, un peu déprimé, qui l'a choisi, comme un avertissement au lecteur. Le pire, c'est qu'on n'apprend rien sur notre pays. Il a tout de même pris des photos: Voyages en France.
Pendant une centaine de pages, j'ai voyagé dans la tête du journaliste Éric Dupin qui lui-même voyageait en France. C'est le voyage répétitif, lassant et vite déprimant dans la tête d'un journaliste qui voudrait avoir un esprit ouvert, objectif sur le monde, mais qui n'y arrive pas. Sorte d'ankylose cognitive, il y a chez lui un réseau de neurones qui suit toujours la même boucle et qui conditionne son regard sur le monde.
C'est fascinant, où qu'il soit, il va voir ce qui ne va pas, il va rencontrer le grincheux de service, le franchouillard irascible, le défaut du système. Les gens qu'il rencontre sont définis par une description physique sommaire, qui tourne au procédé comique (cheveux noirs et yeux verts, barbe blanche et regard acéré, regard vif et long favoris) et n'existent que la retranscription de leurs paroles.
On a l'impression d'avoir engagé la conversation avec une vieille tata acariâtre qui va commencer à être gentille et qui ne pourra pas se retenir de balancer son piquant de fiel. On quitte le livre vaguement déprimé, en se demandant ce qui ne va pas, on a envie de se laver l'intérieur du cerveau avec une bonne lecture, un bon film, quelque chose d'un peu subversif et underground si possible.
Pour continuer un peu ma lecture, je me suis amusé à faire un petit exercice stylistique et à faire une liste de toutes les occurrences négatives qui reviennent:
- Bernard le naturaliste misanthrope qui hait la démocratisation du numérique
- interminables alignements de volets clos, maisons abandonnées
- demeurer scotchés devant la télé
- intolérance extraordinaire des vieux
- ces blondes ridées en jeans.... , sa langue est vipérine
- conspuer ce pays de merde, se dégrader, trafics, barbus, femmes voilées
- rien n'a suivi dépourvu de congestionnée porter un jugement sévère ne parler guère en meilleur terme qui parle fort l'incivisme au quotidien le public visé une obséquiosité
- voir ce qui cloche les difficultés les dégradations incapacité à sanctionner les fermetures
- une logorrhée un rien méprisante toisant ma pitoyable allure de randonneur
- encaisser de plus en plus difficilement infestés de personnages superficiels et inefficaces souffrant de plus en plus de l'ambiance pourrie
- le niveau des arrêts maladies dans la fonction publique territoriale expert dans la chasse aux subventions
- regretter désespérer inquiéter accuser évolution des jeunes crier au scandale
- pas très optimiste l'avenir m'inquiète souffrir de l'explosion démographique la convivialité n'est plus ce qu'elle était perdu noyé dans la masse
- maudire le n'importe quoi français le fléau des divorces se moquer de ronchonner traiter de pauvre conne déraisons urbaines version outrancière le mal fait l'addiction consumériste temps de transport familles recomposées
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