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mardi 4 juin 2013

Secrets d’illusionniste appliqués à la société


Un essai de 200 pages qui m'a accroché, excité et déconcerté. Où comment les mécanismes cognitifs mis en oeuvre par les illusionnistes peuvent servir en développement personnel. Un livre qui affûte l'esprit critique et qui est en lui-même un beau tour de passe-passe: on est bluffé en le lisant, et puis on se met à douter, à réfléchir...

Quatrième de couverture: 
Pour la première fois, un professionnel révèle les méthodes secrètes de la persuasion spécifique à l’illusionnisme, et il nous explique comment les appliquer dans nos activités professionnelles et notre vie personnelle. Ce sont sans doute les clés de la réussite. 
D'abord, il faut accepter le postulat de base: Jacques H. Paget serait un brillant négociateur et illusionniste. Il a étudié les techniques psychologiques de persuasion utilisées par les meilleurs illusionnistes spécialisés dans le close up. La psychologie relationnelle qui a permis une renaissance de l'art de la magie.
 Il remet les choses en perspective en écrivant : "ce regard vers l'intérieur de soi (la psychologie) est récent dans l'évolution de l'humanité."
Il dresse un bref historique des grands illusionnistes, une liste de noms inconnus que je m'empresse de noter pour des recherches ultérieures (Dai Vernon, Tony Slydini, Arturo de Ascanio...ça fleure bon le mystère).
Haddock y croît, mais il n'a pas été mis dans le secret...

Le vif du sujet:
 L’illusionniste doit endormir l'esprit critique du spectateur. Paget invoque des notions simples: le silence qu'il faut être capable de tenir, le calme, le doute (vis-à-vis de soi-même pour progresser et l'absence de doute quand on est confronté aux autres). Autant de concepts bien expliqués par l'illusionniste, il met le lecteur dans la confidence, dans un esprit de connivence. J'ai pris des notes en rafales, comme si on me donnait des conseils magiques...Les illusionnistes dégagent toujours quelque chose d'un peu mystérieux, c'est agaçant même parfois, ce mystère, comme un masque qu'on voudrait leur arracher.
 Le livre a ce mérite de décortiquer des automatismes, de montrer des ressorts cachés, des manières d'agir  et comment, peut-être, les améliorer. Par-contre, ses explications sur la nature humaine flirtent avec des clichés dignes d'un psy d'émission de télé réalité. On peut endormir l'esprit critique le temps d'un tour de passe-passe, mais que se passe-t-il dans la vraie vie quand on se sent dupé ou manipulé ? Et faut-il devenir quelqu'un d'autre pour persuader ?
ça ne mange pas de pain...

La vision de l'auteur sur l'existence en société réactualise la vieille formule : l'homme est un loup pour l'homme, qui a sans doute cours dans le monde de l'entreprise, des contrats et des négociations, mais il existe des aires de repos et de confiance où les êtres humains ne sont pas obligés de devenir quelqu'un d'autre pour réussir.
Exemple, avec cette observation qui mériterait d'être mieux argumentée:
« De nos jours, plus on acquiert de savoirs, d'expériences et de compétences dans un domaine particulier, moins il faut en faire étalage. Il y a une trentaine d'années, le comportement inverse eut été préférable. On recherchait la compagnie des détenteurs de savoir et faire état de ses connaissances n'était pas nécessairement ressenti comme une forme de prétention. Aujourd'hui, cela est, étrangement, perçu comme une agression; de nos jours, il faut être beaucoup moins visible, ne pas étaler sa force. » p. 112

Certaines affirmations font mouche, un peu comme des sentences à la Maître Yoda:
«Face aux critiques, ne répondez pas. N'oubliez jamais que toute critique sert à corriger le passé, or ce qui a été ne peut plus être modifié.»
« Sous-estimons le potentiel de tout être humain et dévoilons notre ego pour faire le malin, voilà la recette idéale pour être mangé. »
« Pas d'autocritique: c'est s'auto-détruire.» (à me  graver au burin sur le coin du neurone.)
En résumé, un livre intéressant mais pas tout à fait convaincant à cause d'affirmations gratuites. Essayons d'en faire son miel, mais prudemment, sans trop le prendre au sérieux. J'ai trouvé que l'auteur n'insistait pas assez sur l'entraînement, la répétition du geste, et ne parlait pas des échecs inévitables qu'il a sans doute connu, et qui sont formateurs.
Mise à jour du 1 septembre 2013. Deux mois après ce livre, je lis l'essai de Jean-Philippe Lachaux, Le cerveau attentif (Odile Jacob). Le billet sur ce livre. En tant que psychologue cognitiviste, Jean-Philippe Lachaux décrit, p.147, le phénomène de la magie:
« Certaines personnes ont fait du contrôle de l'attention des autres un métier, les prestidigitateurs par exemple. La magie exploite directement certaines failles du système attentionnel. Au risque de décevoir les lecteurs les plus jeunes, les magiciens ne font pas vraiment sortir des lapins de leur chapeau; ils ont recours à des trucs, qu'ils doivent savoir réaliser sans se faire remarquer. Peu importe d'ailleurs que les spectateurs voient le truc du moment qu'ils n'y font pas attention: il est prouvé que les tours de magie les plus spectaculaires sont effectués en pleine lumière et au vu de tous; en mesurant précisément la position du regard des spectateurs, plusieurs études ont pu vérifier que les bons magiciens savent agir sous les yeux du public, littéralement, et sans que personne ne se rende compte de rien. (...) L'art de la magie repose donc sur une connaissance intuitive très fine des lois qui contraignent les déplacements de l'attention, dans l'espace et dans le temps. Le magicien sait identifier, et utiliser, les trous dans le champs d'attention de son public. »

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