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samedi 6 juillet 2013

Fukushima, récit d'un désastre



La catastrophe de Fukushima est un événement qu'on a suivi il y a deux ans à travers les actualités. Et puis, on est passé à autre chose, guerre, crise, élections, etc. Et puis, c'est loin, le Japon. C'est pas comme Tchernobyl, qui vient contaminer la salade corse.
Et pourtant, il suffit de taper Fukushima dans Google pour voir que ça continue et que c'est flippant.
Un blog sur Fukushima
Le dossier de Rue 89
Il fallait un écrivain pour que je prenne conscience de la réalité du désastre. Une écriture: « A un moment donné, il n'y a plus rien d'autre à dire: la terre tremble. Elle tremble encore. Et nous dessus. (...) l'écriture devient un moyen de saisir le phénomène et, sinon de lui assigner une place, du moins de comprendre son rythme, pour remporter sur lui une victoire d'autant plus précieuse qu'elle est précaire et provisoire. »p.60

C'est le 11 mars 2011 que ça commence. Michaël Ferrier, universitaire français enseignant au Japon, est avec sa compagne, Jun. Il décrit sur plusieurs pages les deux minutes du tremblement de terre (vertical, les plus terribles.) sur un ton presque fantaisiste (sarabande des livres qui tombent).
Puis la vie reprend son cours, si on veut, car il y a les répliques, qui s'étalent sur les mois suivants. Et les fausses alertes. « Le problème des fausses alertes, c'est qu'il faut à chaque fois stopper les trains, fermer les barrages, tenter de minimiser les dommages, etc. La vie s'arrête et reprend en permanence, on vit le monde en discontinu. »
Et surtout, les événements se sont enchaînés à une cadence folle, «... telle qu'aucun scénariste de film catastrophe n'aurait pu l'imaginer: tremblement de terre de magnitude 9, tsunami sur une centrale nucléaire, fonte des coeurs, explosions dévastatrices dont au moins une a propulsé à près de quinze mètres de hauteur des blocs de béton conçus pour résister au feu nucléaire....»

Un temps, Michaël Ferrier et Jun se réfugient à Kyoto ( La ville est l'une des plus belle du monde, avec ses temples à chaque coin de rue), il font l'amour (l'immense trépidation qui s'est emparée du monde a sa charge mortelle, mais aussi une vertu érotique.) Dans un Japon soumis aux répliques, aux économies d'énergie, nous voyons une métropole dont tous les écrans sont éteints...Il y a pénurie, comme en temps de guerre. Les 7 produits les plus demandés dans l'ordre:

  1. le papier toilette
  2. les bouteilles d'eau minérale
  3. les nouilles instantanées 
  4. les piles électriques 
  5. le nattô (soja fermenté) 
  6. l'essence 
  7. les produits laitiers 

Puis le couple part dans les régions sinistrées dans une camionnette de location remplie de vivres et de médicaments. Et c'est là que l'écriture est essentielle, plus forte que toutes les images, toutes les vidéos.
 J'ai été, comme tout un chacun, submergé par le déluge des images. Aucune d'elles ne m'avait préparé à cette confrontation incroyable avec le réel, car les images (...) nous tiennent à distance. p.100. 
La description par les mots, par les métaphores nous rapproche du réel. Il décrit le paysage dévasté, l'odeur, le son du vent qui est étrange car l'air n'est plus arrêté par rien. Il fait revivre le tsunami car il a interrogé nombre de survivants, l'hésitation des habitants quand ils voient l'énorme masse d'eau arriver. Il le personnalise (le monstre, le flot de la peur ).
Il note que le mot "hallucinant"  reprend tout son sens, car ce qu'il voit est irréel.

Mais ce n'est pas fini, bien sûr. Car s'y ajoute l'accident nucléaire. Il se rend dans la zone interdite, dans les nouvelles villes fantômes du Japon. Il interroge un liquidateur qui lui décrit le réacteur. La situation : une catastrophe continuée, un état d'urgence dont on ne voit pas la fin. Exemple: la pâte incandescente hautement radioactive qui continue son chemin dans le sous-sol, problème totalement occulté par les autorités.
Voici un témoignage sobre et puissant pour nous montrer ce qui s'est passé là-bas, à l'autre bout du monde. Et nous préparer à ce qui peut se passer ici. Nous sommes prévenus. Il pointe bien les rodomontades des docteurs Folamour à propos du nucléaire. Quand la catastrophe se déclenche, les forces en jeu sont tellement immenses que les moyens humains paraissent dérisoires.

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