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jeudi 16 août 2018

Les secrets de la casserole


 Hervé This Les secrets de la casserole (Belin) 1993. 




Hervé This est physico-chimiste à l’INRA. Son objectif en écrivant ce livre est de nous dévoiler les causes moléculaires qui se cachent derrière la réussite ou l’échec d’une recette de cuisine. En 39 chapitres, nous abordons tout ce qui concerne la cuisine, des ingrédients de base comme les oeufs aux réactions chimiques qui se produisent pendant la cuisson. 

Des termes de physique-chimie reviennent souvent : tensio-actifs, osmose, ions positifs et négatifs, micelles, convection, liaison hydrogène et la fameuse Réaction de Maillard . Glossaire à la fin du livre. 

Dès le début, il nous propose une expérience à tenter, cuire une cuisse de canard au micro-onde en injectant du Cointreau à l’aide d’une seringue. Les micro-onde chauffant spécifiquement les parties contenant beaucoup d’eau, elles cuiraient le centre de la viande à l’étouffée en lui donnant du goût.
 Si un goût chasse l’autre et que nous pouvons enchaîner et sentir la viande puis le dessert sucré au cours du même repas, c’est grâce aux liaisons faibles entre nos terminaisons nerveuses et la molécule sapide: la sensation s’estompe et laisse place à une autre. Nous avons 9 000 papilles dans la bouche. 

Petit aperçu de ce qu’on peut apprendre en lisant ce livre. 

Qui a écrit le Traité de la physiologie du goût cité par l’auteur ?
Brillat-Savarin, et le livre est dans le domaine public, disponible en epub, texte. 

Quels autres illustres personnages cite l’auteur ?

Le chimiste Chevreul (1786-1889), une légende vivante en son temps, un chimiste connu pour son travail sur les acides gras, la saponification et la découverte de la stéarine. 
Grimot de la Reynière (1758-1837), un véritable personnage dont on devrait faire un film. Il organisait des repas archéologiques et, à coté de son goût pour la gastronomie, c’était un spécialiste du canular et de la mystification. Dans son château, il y avait des ouvertures secrètes, des trappes et des machineries. 
Curnonsky (1872-1956), gastronome, humoriste, critique culinaire. 

Pourquoi le céleri, la pomme, l’avocat noircissent-ils quand on les coupe ?
La coupure d’un fruit libère des enzymes qui provoquent le noircissement en présence de l’oxygène de l’air. Les composés phénoliques du fruit sont oxydés en polymères bruns. 

Quel est le point commun entre le citron, le refroidissement, la cuisson, le sel, le vinaigre et la vitamine C ?
Ils bloquent les enzymes et ralentissent l’oxydation. 

Pourquoi le saumon est-il rose ?
Parce qu’il contient de l’astraxanthine sous forme dissociée. 

Dans la viande où sont les arômes ? 
Ils sont contenus par la graisse car elle est organique. 

Pourquoi les molécules se dissolvent dans un milieu ?
Parce qu’elles établissent avec les molécules de ces milieux des liaisons dites faibles. 

Pourquoi la cuisson sous vide met-elle l’eau à la bouche de l’auteur ?
Les protéines coagulent mais ne perdent pas leur eau d’hydratation: le jus reste dans l’aliment. Les arômes aussi, ils ne sont pas expulsés par la chaleur. 

Pourquoi l’ail est-il à la fois une épice et un aromate ?
Il est piquant et odorant, il sert à exciter la saveur et à développer la fragrance. 

Pourquoi la croute du pain a-t-elle plus de goût que la mie, pourquoi la bière est-elle dorée ? 
C’est du à la réaction de Maillard. 

Que se passe-t-il quand une soupe perd de l’énergie ?
Elle refroidit. Les molécules qui s’évaporent sont celles qui ont le plus d’énergie. 

Pourquoi le lait est-il blanc ?
C’est du aux molécules de matières grasses dispersées dans l’eau qui dévient la lumière dans toutes les directions. 

Qu’est-ce-qui est responsable de la peau du lait ?
C’est la caséine qui coagule à + 80°.

Quel est le principe n°1 des gelées dans la préparation ?
Lente et longue réduction, lent refroidissement sans bouger, pour ne pas bousculer la triple hélice d’ADN. 

A quoi sert le jaune d’oeuf dans une mayonnaise ?
Il apporte les molécules tensio-actives qui permettent de lier l’eau et l’huile en enrobant les molécules d’huile d’une partie hydrophile qui se lie aux molécules d’eau. 

Que se passe-t-il quand ma mayonnaise flocule ?
Elle tourne parce que les gouttelettes d’huile se mélangent les unes aux autres au lieu de se mélanger avec l’eau. Ça peut être du à des ingrédients trop froids ou parce qu’il n’y a pas assez d’eau. 

Que contient à 50 % le jaune d’oeuf ?
De l’eau. Plus 1/3 de lipides  et 15 % de protéines. 

Où se trouvent la globuline, l’ovalbumine et la conalbumine ?
Ce sont les 10 % de protéines du blanc d’oeuf. 

Quel est le type de cuisson pour la friture ?
Quand le fluide chauffant est un corps gras, la conduction procure les fritures. 

LES CUISSONS
Dans le chapitre sur la cuisson, l’auteur va la définir comme l’action visant à attendrir les viandes et à leur donner plus de goût, plus d’arôme. 
La cuisson est tout d’abord une agitation des molécules par la chaleur. Elles se cognent, se disloquent et se réarrangent autrement, provoquant une réaction chimique et devenant un nouveau composé. 
L’auteur distingue trois phénomènes de cuisson. 

La conduction : le fluide chauffant touche la surface et ensuite les molécules qui s’agitent se communiquent au reste de l’aliment, à la manière de boules de billards agitées. 

La convection se produit quand on chauffe un liquide dans une casserole, l’eau chaude  plus légère remonte à la surface, l’eau froide descend et ainsi il se forme des courants de convection. Elle fut découverte par le comte de Rumford qui se demandait pourquoi ses sauces restaient chaudes contrairement aux soupes. 

Le rayonnement, c’est quand un feu chauffe sur le coté et que les infrarouges se propagent en ligne droite et sont arrêtés par un corps opaque. C’est le principe du rôtissage des viandes. Le micro-onde est un type de rayonnement mais il va chauffer l’eau des aliments. 

Le braisage est un type de cuisson que l’auteur aborde avec respect, en l’appelant la reine des cuissons car elle est considérée comme celle qui garde le plus de goût aux aliments. C’est du au phénomène d’osmose. L’auteur donne l’exemple d’une recette de braisage, on procède par couches, on met des légumes, on met de la viande qui empêchent les sucs arômatiques de la plus grosse pièce de fuir dans le liquide. C’est ce qu’il appelle « nourrir la viande d’un jus corsé ». 
Si le phénomène d’osmose est bien respecté, le phénomène ressemble à celui de vases communicants, l’auteur fait une démonstration de physique en prenant l’exemple de tubes à essai en forme de U dans lesquels on a mis de l’eau normale et de l’eau colorée. 
Dans le braisage, et c’est tout un art, le jus de la pièce à cuire ne s’échappe pas car la place est déjà prise par les molécules sapides du lard et du jambon qui entourent la viande. 

Au contraire du braisage, la cuisson par cocotte-minute (qu’il appelle anti-montagne à cause de la différence de pression) est peu appréciée des cuisiniers. On ne voit pas ce qui se passe, et les réactions chimiques s’effectuent trois fois plus vite. On a pas les échanges en milieu ouvert qu’on peut avoir à la casserole. 

Dans le chapitre sur la rôtisserie, il se demande combien de temps pour cuire une dinde. Il faut tenir compte de la sphéricité de la pièce de viande, des fibres de collagène, de myéline et d’actine. Le but est de cuire le moins longtemps possible à partir du moment où le coeur de la viande est à 70°, qui est la température à laquelle le collagène se transforme en gélatine. Hervé This donne une formule mathématique. 
On enduit la pièce de viande d’un corps gras, on préchauffe le four et on assaisonnera après la cuisson. 

La friture. Il explique pourquoi il faut une grande quantité d’huile très chaude, filtrée et une pièce à frire sèche. La grande quantité d’huile permet de garder le maximum de chaleur car le fait d’immerger les pièces à frire diminuent la température. C’est pour cela qu’on fait une pré-cuisson pour éviter ce problème de refroidissement, on ne remet les frites quand la température de l’huile a remonté.  Ce qui fait le bon goût de la friture, c’est la coagulation des protéines et la caramélisation des sucres. La pomme de terre avec son amidon à la surface était prédestinée à la friture.

Ensuite il va aborder le thème des marinades. Viande + vin + vinaigre + légume. Les acides produisent une dénaturation des protéines et des tissus conjonctifs, la viande s’attendrit et se parfume, on dit qu’une marinade avance de 10 mm par jour. 
Anecdote: le chimiste Kurti a prouvé que le jus d’ananas avec ses enzymes protéolytiques pouvait faire une pré -cuisson d’une grosse pièce de viande. 

Dans la salaison, l’eau sort de la viande, il y a moins de bactéries, on fait ensuite sécher. 

Dans la cuisson des légumes, l’objectif est d’attendrir la paroi fibreuse pour la rendre poreuse. La dénaturation des protéines de la paroi permet de faire entrer l’eau dans le légume. Il explique ensuite pourquoi les légumes verts se décolorent à la cuisson, les cellules éclatent, il y a une bataille d’ions, les ions hydrogènes prenant la place des ions magnésium dans la molécule de chlorophylle. 

Quand on aborde le chapitre des sauces, il parle d’une expérience vérifiée sur des mousses de foie qui démontre que la perception des arômes dépend de la consistance.

« Ainsi, non seulement nous attendons une consistance particulère d’un plat particulier, mais la perception des arômes dépend de cette consistance. »

Pour faire une sauce comme la béarnaise qu’il donne en exemple, il faut des molécules tensio-actives de jaune d’oeuf avec leurs micelles hydrophobes et hydrophiles. D’autres molécules avec deux types d’ions qui se repoussent, l’eau, le jus de citron et le sel. On chauffe ce qui provoque un premier épaississement du à la coagulation des protéines de l’oeuf, attention aux grumeaux puis on ajoute le beurre, lamelle par lamelle et on fouette en accélérant quand l’émulsion commence à prendre. 

Ensuite, il aborde la réaction moléculaire de la farine et du roux. Les molécules qui composent l’amidon s’entourent d’eau et les granules gonflent et la solution devient visqueuse. La température idéale est comprise entre 79 et 96°, ça ne doit pas bouillir. On cuit longtemps pour enlever le goût farineux. Et le gluten, la protéine, par la réaction de Maillard, engendre des composés aromatiques. Attention à l’épaississement lors du refroidissement. On dépouille la sauce en chauffant un seul point du fond de la casserole. 

Dans le chapitre sur le vin, il se demandera si on peut améliorer un vin grâce à la chimie...
Dans le chapitre sur l’alcool, il décrit la distillation avec l’alambic. Le cuivre fixe les acides gras. L’alcool éthylique bout à 78°, il se condense dans un serpentin. Selon lui on pourrait faire un alambic à domicile avec une cocotte-minute et de l’eau froide sur le tuyau relié. Je note aussi son idée de distillation par le froid, toujours au conditionnel, l’eau gèlerait et on récupèrerait l’alcool et les autres composés. Mais attention au méthanol qui rend aveugle !
Et on améliorerait son eau-de-vie en plaçant une baguette de noisetier dans la bouteille, la lignine serait dégradée en aldéhydes phénols et des composés arômatiques apparaitraient, dont il donne les noms savants. 

Voilà, un billet à rallonge qui ne donne qu’un petit aperçu de tout ce que l’auteur nous révèle sur la chimie de la cuisine. On sent qu’il a essayé d’ordonner son érudition scientifique pour la partager. Il le fait avec un entrain un peu brouillon, les chapitres sont courts heureusement. 



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