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dimanche 11 novembre 2012

Visions de Mandiargues


Dans un vieux cahier marron à spirale où sont notés les livres que j'ai lu, je cherche ce nom: Mandiargues. 1993...J'ai lu Sous la lame, au mois de mai, et Le musée noir, en juillet. J'en gardais un souvenir de soleil, de pierre, de minéralité, un style recherché et des images dans la tête.  J'avais très envie de retrouver le contact avec ces images, les visions de Mandiargues. Presque hanté par ces ambiances à la De Chirico ou Leonor Fini. Tout ça pour dire comment un style littéraire s'infuse en nous, et comment, peut-être, un écrivain reste...
Pas facile à trouver, en tout cas, Mandiargues. J'ai mal cherché aussi, à la lettre M, alors que c'est à la lettre P: Pieyre de Mandiargues. Cinquième étage du Gibert, boulevard St Michel, je trouve, d'occase, ces livres en bon état, un peu jaunis et pas chers. Marrant de retrouver ces vieilles habitudes d'étudiant à l'ère des liseuses. Les états de lecture coexistent.


Soleil des loups, de André Pieyre de Mandiargues (14 mars 1909-13 décembre 1991). «Contes lunaires, situés dans des lieux vagues, sous des ciels brouillés, ce sont des histoires fantastiques par excellence. Ils n'ont d'ambition ni de justification que d'être fantastiques.»
L'Archéologue. Conrad Mur, chargé de mission archéologique, nous fait entrer dans sa rêverie liquide, dans un paysage où les lézards sont figés au flanc de la pierre morte. Une plongée imaginaire où il rencontre une grande statue de femme sous la mer. Il retire de son doigt un anneau qui est le double exact de celui qu'il a offert à sa fiancée, puis le remet, croyant aux présages et aux signes. On croirait la Vénus d’Île réécrit par D'Aurevilly. 
Il se rappelle les circonstances de leur rencontre, l'hiver, la fête au village de Grouin, et une course sous la lune sur un lac gelé. Puis ce sera Naples, une femme de cire et le dépérissement de Bettina...Dès cette première nouvelle, je retrouve intact le plaisir de lire Mandiargues, poète en prose, qui compose et nous convie à ses visions comme un peintre. Phrase sinueuse qui s'enroule de mots que l'écrivain charrie comme des galets dans sa bouche. 
Clorinde, conte ramassé, où la nudité se mêle au sang, à la mort, qui m'a évoqué une peinture de rapace de Max Ernst...Lisez Clorinde (billet précédent).
Le pain rouge, ou comment visiter l'intérieur d'un morceau de pain, orifices, cavernes , labyrinthe, abeilles, jouissance....
L'Étudiante; là encore, ce qui compte, plus que l'histoire, c'est cette image qui nous reste d'une ville fantôme, d'un ange qui apparaît dans un quartier dévastée où vit une étudiante qui fait des orgies de pâtisseries et que le narrateur ne reverra plus. 
L'Opéra des falaises. Le capitaine Idalium se met à suivre une drôlesse un peu tzigane. Dans ce monde-là, tous les meurtres se paient et cet opéra est le chant d'un sacrifice humain.
La vision capitale. Le bestiaire aura eu son importance dans ses contes. Ici, ce ne sont plus les morses à longues défense du conte précédent, mais une héroïne déguisée en coq, Hester Algernon, arrivée trop en avance à une fête, devant un château aux murailles obscures. Elle sera victime d'un bête fait divers. Ou comment le stress post-traumatique devient du fantastique chez un auteur influencé par le surréaliste. 
Je continuerai à lire Mandiargues. J'en ressentirai le besoin. Avec lui, on fait provision de mots-visions qu'on pourrait recombiner à notre usage même si parfois on est étourdi par une telle densité. 

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