Le Meurtre du Commandeur, livre 2, la métaphore se déplace, de Haruki Murakami. Traduit du japonais par Hélène Morita, avec la collaboration de Tomoko Oono.
Nous reprenons l’histoire là où nous l’avons laissée: un narrateur, peintre de métier, s’est mis en retrait de la société après la séparation d’avec sa femme. Il habite une maison sur une colline qui a appartenu à un grand peintre mourant. Il rencontre régulièrement son « voisin de colline », le mystérieux Menshiki, un quinquagénaire à la belle chevelure blanche, incarnation de la maîtrise de soi. Autour d’eux, des évènements surnaturels se produisent, une clochette qui sonne dans la nuit, un personnage qui sort d’une toile...
Vient le deuxième dimanche de pose de Marie, accompagnée dans la petite Prius par Shoko, sa tante qui l’élève...
Les journées du narrateur sont toujours chroniquées dans leur banalité, préparation des repas, heures de sommeil et de repos, temps consacré à la peinture et aux progrès de son monde intérieur ( il donne envie de se mettre à dessiner), rendez-vous avec ses voisins ou son ami Masahiko où il peut prendre des nouvelles de son père le vieux peintre. Il y a quelque chose de curieusement apaisant dans la lecture. Cela tient au ton tranquille et descriptif du narrateur qui semble accorder la même minutie à la dégustation d’une daurade qu’à l’émotion suscitée par l’apparition d’un fantôme. En refusant les émotions faciles du thriller, l’écrivain nous imprègne de ses images comme un peintre qui donne la dernière touche de couleur.
L’intrigue avance par petites touches, une rencontre entre Menshiki et les deux femmes, une liaison cachée qui se noue. Et soudain un personnage disparaît, le roman peut accélérer dans son final. Il bascule dans le fantastique des mondes parallèles et du temps aboli.
C’est un roman qui relie les choses entre elles et les entrecroise peu à peu pour que la lumière surgisse. Des évènements du passé font sens dans le présent ( une femme tuée par un essaim d’abeilles, une petite fille qui se glisse dans un trou à l’intérieur d’une grotte, un japonais qui participe à un complot contre Hitler...). Les personnages sont des êtres qui cherchent des cachettes secrètes qui sont à la fois refuges et cachots. Qui se laissent enfermer pour mieux ressurgir à la lumière. Les couloirs mystérieux deviennent des goulots d’étranglement. Le fantastique de Murakami fait émerger les peurs et les envies mythologiques de l’enfance, tunnels qui communiquent mystérieusement entre eux, passages secrets et raccourcis dans les forêts, belle maison moderne et chambre de Barbe-Bleu. Quand au meurtre du titre, on comprend à la toute fin.
C’est un roman qu’on referme avec un petit sourire, le regard vague, flottant au loin vers des collines imaginaires, des villas blanches et vaporeuses, des forêts au sanctuaire de pierre. Attention, la petite clochette va tinter, mais était-ce dans la réalité ou dans le rêve ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire