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dimanche 13 janvier 2013

Hélène Maurel-Indart- Du plagiat

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Du plagiat, de Hélène Maurel-Indart en folio essais, 500 pages qui se lisent comme un roman.
Hélène Maurel-Indart est agrégée de lettres modernes et docteur es lettres. Elle est passionnée par le plagiat et elle est devenue une spécialiste du sujet. Ce livre est d'abord un voyage dans l'histoire littéraire, ses grandes histoires (Molière et Shakespeare sont-ils les auteurs de leurs oeuvres ?) ses petites histoires (alors , comme ça, Louise Labbé ne serait qu'une créature de papier...), des révélations étonnantes ( Lamartine et le temps qui suspend son vol, une belle formule qui n'est pas de lui).
Elle remonte le temps et montre comment notion de plagiat a évolué. De l'époque où on peut citer sans guillemet car tout le monde possède la même culture humaniste à celle où le plagiat devient honteux, et surtout se répand à cause des enjeux financiers liés au livre.
Elle analyse en détail et donne son opinion sur des procès à rebondissements (l'affaire Deforges/Bicyclette bleue versus les héritiers de Margaret Mitchell/Autant en emporte le vent, l'affaire (très intéressante) qui oppose Jean Vautrin et un spécialiste du langage cajun).
Elle révèle des éléments méconnus, notamment Jarry et l'affaire du cahier d'écolier, la manière dont s'élabore le père Ubu, une affaire exemplaire et ambigüe sur la création et l'incarnation littéraire qui montre que renoncer à une conception de la littérature comme pure création, au-dessus de tout soupçon, n'est pas chose facile. Elle étudie Proust (Pastiches et mélanges) qui, par sa virtuosité mimétique, prépare sa propre manière d'écrire. Elle cite Carlos Fuentes: "Existe-t-il un seul livre orphelin, un livre qui ne soit le descendant d'aucun autre livre ?" Elle réhabilite et m'a donné envie de lire des auteurs brisés par des accusations de plagiat, André Schwarz-Bart, Yambo Ouologuem. Et revient sur les affaires passionelles qui ont opposé Marie Darrieussecq à Marie N'Diaye, puis à Camille Laurens mais aussi sur des plagiats plus crapuleux comme ceux de Alain Minc, Jacques Attali, Calixthe Beyala, ou Henri Troyat et son travail de couture, une vraie grammaire du plagiat. L'utilisation de logiciels de détection facilite le travail mais ne fait pas tout. D'ailleurs, Hélène Maurel-Indart utilise beaucoup dans son essai la technique de la double colonne qui permet de comparer deux textes en vis-à-vis.

Le rappel historique sur les privilèges des imprimeurs est passionnant si on le rapporte à notre contexte contemporain d'édition en crise et la mutation du numérique. L'imprimerie a été une révolution certes, mais l'investissement en matériel coûtait cher aux imprimeurs, raison pour laquelle ils possédaient des privilèges et plus de droit sur l'exploitation du livre que l'auteur lui-même.

Bref, j'ai lu cet essai comme un roman peuplé de petites histoires, l'auteur écrit très bien et on passe de la théorie à la pratique littéraire, des plongées dans l'histoire littéraire aux affaires récentes, ce qui donne du mouvement au livre. Sa connaissance élargie du sujet, son envie d'en explorer toutes les facettes lui confère une vraie liberté d'esprit dans l'analyse des affaires de plagiat, ainsi qu'un jugement sûr qui se retrouve dans la netteté du style.
Je suis ressorti de ce livre avec une grande envie de lire et d'écrire, s'autoriser à écrire en sachant que l'inspiration est légitime.


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