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samedi 6 septembre 2014

Les dernières semaines de Vincent Van Gogh

Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise d'Alain Mothe (Éditions du Valhermeil)

Note: en faisant une recherche sur Flickr "Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise", on trouve beaucoup de choses intéressantes qui mettent les reproductions des oeuvres à la portée de tout le monde. Notamment:
- cet album très bien fait: Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise.
- Quelques Van Gogh au Musée d'Orsay dans cet album, possibilité de télécharger les photos au format original, et de constater comment on peut ringardiser une belle peinture avec un cadre.

L'été maussade donne envie de se réchauffer aux couleurs éclatantes du peintre hollandais. J'emprunte ce "beau livre" de 1986 à la médiathèque.
Alain Mothe, historien d'art amateur, égrène les dernières semaines de Vincent Van Gogh dans un petit village de l'Oise, son installation à l'auberge Ravoux, ses visites dominicales au Dr Gachet et les peintures qu'il réalise. Documents : la correspondance entre les deux frères, mais aussi le témoignage de Paul Gachet, le fils du docteur, de Johanna Van Gogh et d'Adeline Ravoux.

Van Gogh passe 70 jours à Auvers-sur-Oise. Il peint presque une toile par jour et y finit sa vie.
De quoi a-t-il l'air à cette époque ? Théo Van Gogh:
« ...la plus grande difficulté vient de ce qu'il est complètement coupé du monde extérieur (...) il a rompu depuis longtemps avec ce qu'on appelle les conventions. Sa façon de s'habiller et ses manières montrent immédiatement que c'est un homme hors du commun, et les gens disent quand ils le voient: c'est un fou ! (...) Même pour ses amis, il est difficile de rester en bons termes avec lui, tellement il ne ménage la sensibilité de personne. »
Pissaro va servir d'entremetteur : le docteur Gachet pourra l'accueillir dans le petit village d'Auvers-sur-Oise. Ce village a une longue tradition d'accueil des peintres : Daubigny, Corot, Daumier, Jules Dupré et beaucoup d'autres dont parle l'auteur :
« Presque tous ces artistes ont travaillé à Auvers, séduits par la lumière...par le charme rural du village, avec ses chaumières, ses fermes, ses potagers.., par le calme du bord de l'Oise, par les collines boisées, les champs de la plaine...»
Alors Vincent quitte Saint-Rémy de Provence où il est interné et arrive à Paris au mois de mai 1890. Il rend visite à son frère qui vit avec Johanna et leur bébé. Johanna Van Gogh raconte:
 « J'attendais un malade, et devant moi se trouvait un homme solide, large d'épaules, qui avait de saines couleurs, une expression du visage joyeuse et quelque chose de résolu. (...) Théo alla avec lui dans la chambre à coucher où se trouvait le berceau de notre petit garçon, auquel nous avions donné le nom de Vincent. Silencieux, les deux frères regardèrent l'enfant paisiblement endormi; tous deux avaient les larmes aux yeux. »
Van Gogh atteint la plénitude de son art, malgré le naufrage de sa vie « Je me sens raté...Voilà pour mon compte ».

Les "Marronniers en fleurs" est sa première toile. Il rend visite au docteur Gachet le dimanche, il peint l'homme et réalise même sa première eau-forte. Il peint aussi Marguerite Gachet la fille du docteur dans le jardin. Il décrit ainsi son hôte:

Les romans sur la table sont Germinie Lacerteux et Manette Salomon des frères Goncourt et la digitale au premier plan est choisie comme symbole des maladies du coeur.
« J'ai vu le Dr Gachet qui a fait sur moi l'impression d'être assez excentrique mais son expérience de docteur doit le tenir lui-même en équilibre en combattant le mal nerveux duquel certes il me paraît attaqué au moins aussi gravement que moi. (...) Causant de la Belgique et des  jours des anciens peintres sa figure raidie par le chagrin redevient souriante et je crois bien que je resterai amis avec lui et que je ferai son portrait. »
A son autre frère Will, il précise son dessein de peintre:
« Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions. Donc je ne nous cherche pas à faire par la ressemblance photographique mais par nos expressions passionnées employant comme moyen d'expression et d'exaltation du caractère notre science et goût moderne de la couleur. Ainsi le portrait du Dr Gachet vous montre un visage couleur d'une brique surchauffé et hâlé de soleil avec la chevelure rousse une casquette blanche dans un entourage de paysage fond de collines bleu son vêtement est bleu d'outremer cela fait ressortir le visage et le palit malgré qu'il soit couleur brique. Les mains des mains d'accoucheur sont plus pâles que le visage. Devant lui sur une table de jardin rouge des romans jaunes et une fleur de digitale pourpre sombre. »

Il fait d'autres portraits du Dr Gachet, notamment un dont il dit :
 « J'ai fait le portrait de M. Gachet avec une expression de mélancolie qui souvent à ceux qui regarderaient la toile pourrait paraître une grimace. (...) Il y a des têtes modernes que l'on regardera encore longtemps qu'on regrettera peut être cent ans après. »
Paul Gachet, le fils du docteur, se souvient de Van Gogh en train de peindre une branche d'acacia.
Le 4 juin 1890, Van Gogh peint l'église d'Auvers. Et le 8 juin, il accueille à la gare son frère, sa belle-sœur et son neveu au train de 10h25 qui arrive de Chaponval. Il apporte comme jouet pour son petit neveu un nid d'oiseau. Ils déjeunent chez le Dr Gachet.


Vincent loge à l'auberge Ravoux. Il peindra la fille de l'aubergiste qui elle aussi témoigne de sa séance de pose:
 « Il était très absorbé, tirant sur sa pipe sans arrêt, dans un véritable nuage de fumée. (...) Sa peinture m'effrayait un peu par sa violence, et je ne me trouvais pas ressemblante. (...) Mes parents non plus n'apprécièrent guère cette peinture, ni les autres personnes qui la virent alors. A cette époque, bien peu de gens comprenaient la peinture de Van Gogh. »

Dans ses lettres, Van Gogh utilise des mots simples pour décrire ses toiles, il peint par le verbe, il parle de ses envies de couleurs, comme s'il imaginait la toile dans sa tête. Les mots semblent servir de travail préparatoire:
A Gauguin:
 « ... je cherche à faire des études de blé ainsi rien que des épis  tiges bleus vert feuilles longues comme des rubans vert et rose par le reflet épis jaunissant légèrement bordés de rose pâle par la floraison poussiéreuse un liseron rose dans le bas enroulé autour d'une tige. Là dessus un fond bien vivant et pourtant tranquille je voudrais peindre des portraits. C'est des vert de différente qualité de même valeur de façon à former un tout vert qui ferait par sa vibration songer au bruit doux des épis se balançant à la brise C'est pas commode du tout comme coloration. »
Fin juin, Paul Gachet décrit précisément Van Gogh en train de peindre.
Puis c'est mois de juillet et le début de la fin. Alain Mothe décrit une journée déterminante, celle du dimanche 6 juillet où il rend visite à son frère.
« Vincent, le soir même, rentre à Auvers, effondré. A partir de ce moment, ses lettres vont trahir un déclin irrésistible, comme s'il était déjà résolu à mettre fin à ses jours. »
L'auteur nous donne la chronologie des derniers jours: Van Gogh qui jette ses dernières forces dans le travail, son frère qui fait un voyage en Hollande, ses dernières toiles et lettres.
Et puis, dans la soirée du 27 juillet, il essaye de se supprimer d'un coup de revolver. Théo se précipite à son chevet et écrit à sa femme:
 « Il était content que je sois venu et nous sommes restés ensemble presque tout le temps...Pauvre garçon, il n'a pas eu une grande part de bonheur et il ne lui reste plus d'illusions. Tout lui devient parfois trop pesant, il se sent tellement seul...Il m'a posé beaucoup de questions sur toi et le petit, et m'a dit que tu n'avais pas soupçonné toute la tristesse de sa vie. (...) Une de ses dernières paroles a été: je voudrais pouvoir mourir ainsi, et c'est ce qui s'est produit; quelques instants après, c'était fini, il avait trouvé cette paix qu'il ne pouvait trouver sur terre...»
 Nous sommes le 29 juillet 1890.


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