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samedi 15 mars 2014

Lecture d'Illusions perdues 5, le triomphe et le précipice

Journal d'un lecteur
Illusions perdues, d'Honoré de Balzac
NB: ce billet dévoile des éléments de l'histoire. 

Le triomphe
Le "grand homme de province à Paris est entraîné": calèche, appartement, écriture et dîner luxueux. Les journalistes sont mis au travail pendant une heure. Malgré la "virginité de sa plume" dans le journalisme, Lucien se fait remarquer. Déjà, les autres le regardent avec une sorte de sournoiserie.  On lui fait goûter le luxe parisien. Et déjà Balzac annonce, ce destin est écrit:
Aucun enseignement ne manquait à Lucien sur la pente du précipice où il devait tomber. 
 Voici la première nuit de Lucien avec son amoureuse, qui a « la volupté d'une chatte qui se frotte à la jambe de son maître », admirez l'ellipse, ce qui se passe entre le point et la majuscule:

« Coralie fut déshabillée en un moment et se coula comme une couleuvre auprès de Lucien. A 5 heures, le poète dormait bercé par des voluptés divines. » 
Dans un lit arrangé pour les amours d'une fée et d'un prince.
Mais déjà le rebondissement, une paire de bottes trahit la présence de Lucien dans l'appartement. Camusot, le "propriétaire" amoureux de Coralie, berné un moment, décide de laisser le temps agir pour lui.
Car Lucien a une irrésistible envie de continuer la vie de ces deux folles journée. Ses anciens amis, le Cénacle, sont passés le voir, avec le manuscrit de son roman corrigé mais sont impuissants à sortir Lucien de sa vanité
« Une sorte de pressentiment lui disait qu'il avait été serré sur le coeur de ses vrais amis pour la dernière fois »
Ses nouveaux amis lui passent la robe virile des journalistes:
Il se laisse aller à démolir par la plume un auteur qu'il admire, « Il fut spirituel et montra qu'il savait hurler avec les loups », pour ensuite l'encenser...Ce n'est pas grave, car « on est anonyme pour l'attaque mais on signe très bien l'éloge ». Lucien apprend très vite le journalisme:
« Mon petit, en littérature, chaque idée a son envers et son endroit. (...) Tout est bilatéral dans le domaine de la pensée (...)... nous sommes des marchands de phrases et nous vivons de notre commerce. » 
Lucien peut se venger de Madame de Bargeton et de sa cousine, ainsi que de Mr du Châtelet, grâce à sa plume,"l'acier du bon mot altéré de vengeance":
« Cet horrible plaisir, sombre et solitaire, dégusté sans témoins est comme un duel avec un absent tué à distance avec le tuyau d'une plume. » 
Sa vanité est caressée, tout Paris s'occupe de lui, quelle revanche !
« Lucien songeait presque. En quelques mois, sa vie avait si brusquement changé d'aspect, il était si promptement passé de l'extrême misère à l'extrême opulence, que par moments il lui prenait des inquiétudes comme aux gens qui, tout en rêvant, se savent endormis. »
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La déchéance.
Lucien glisse dans le précipice, et on l'y pousse.
Vite, toujours plus vite !
La base du bonheur matériel de Lucien et Coralie est si frêle que cela va s'effondrer très vite. Il dépense son argent à mesure qu'il le gagne. Coralie, dont il est l'idôle, le pare, il devient un dandy.
« Sa métamorphose excita une sorte d'envie. »
« Les hommes du monde sont jaloux entre eux à la manière des femmes. »

Et on lui fait miroiter un titre de noblesse, mais il faut qu'il devienne royaliste et donc trahisse ses amis journalistes libéraux.
 Et il se met à jouer. Le jeu devint une passion chez lui. Il s'endette avec une effrayante rapidité. Mais il n'y a pas d'homme fort sans dettes, lui disent ses amis, que Balzac décrit comme un genre en soi : les Viveurs. Ceux qui sacrifient tout à la jouissance du moment.
Arrivé à ce moment du roman, on a presque envie que ça aille vite pour Lucien, qu'on en finisse....
Il se passe tellement de choses en si peu de temps. Retenons ces deux faits: les trois billets de mille francs que Lucien fait en imitant la signature de David Séchard et la mort de Coralie, très émouvante, où le lecteur sent sa gorge se serrer. C'en est fini du "grand homme de province à Paris", il doit fuir.

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